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Introduction (Monique Bourin)
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Les Regards croisés de l'historien (Laurent Feller), l'économètre, l'économiste et l'ethnologue (Florence Weber). 
L' historiographie en Allemagne (Joseph Morsel), Angleterre (Chris Dyer), Espagne (Carlos Laliena Corbera)  et Catalogne ((Lluis To Figueras), Etats-Unis (Paul Freedman), France  méridionale (Monique Bourin), moyenne (Patrice Beck)  et du Nord (Ghislain Brunel), Italie (François Menant et Sandro Carocci]
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La circulation d’un thème de recherche

chez les médiévistes de la fin du XXe siècle : le marché de la terre*
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François Menant

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On peut dire que le marché de la terre n’existait pas en tant qu’objet historiographique avant les années 60 : les historiens –les médiévistes en particulier- prêtaient certes attention aux transactions foncières, mais ne les étudiaient guère pour elles-mêmes. A partir de cette époque, ce thème de recherche se développe, chez les médiévistes anglais d’abord, puis dans différents pays et au croisement d’influences diverses et parfois inattendues, qui débordent largement les campagnes médiévales1. Les études sur le marché de la terre médiéval constituent ainsi un bel exemple de la façon dont circulent les idées chez les historiens d’aujourd’hui.

Le marché de la terre. 

La notion de marché de la terre, telle qu’elle a été définie par ces recherches, recouvre toutes les transactions onéreuses qui affectent durablement la possession de la terre et, secondairement, celle des immeubles. Sont donc prises en compte au premier chef les ventes, mais aussi les concessions de longue durée, de type emphytéotique, et les constitutions de rentes assises sur la terre2. Ces deux derniers ensembles de transactions peuvent constituer des secteurs très importants du marché3. Autre donnée essentielle : ce sont les transactions effectuées par les paysans, petits et moyens propriétaires ou tenanciers perpétuels ou de très longue durée4, qui fournissent la grande majorité des documents5, et qui sont aussi au centre des études6. Mais le marché de la terre concerne aussi bien entendu la grande propriété. A toutes époques, dans certaines situations, l’intervention d’un gros investisseur, disposant de moyens démesurés par rapport aux paysans, peut même bouleverser, voire épuiser le marché7. Et la part de la grande propriété dans les sources, sinon dans la réalité, est généralement de plus en plus importante, voire exclusive, à mesure que l’on remonte vers le haut Moyen Age, au point d’occulter entièrement –sauf dans quelques contrées méridionales- les éventuelles transactions paysannes8. La question même du marché de la terre ne se pose d’ailleurs pas vraiment pour le haut Moyen Age : la majorité des transferts de biens relève alors de l’échange et non du marché, et ne correspond pas à des évaluations monétaires9.
Il existe aussi bien évidemment un marché de la terre dans la ville médiévale : il s‘agit plus exactement d’un marché immobilier, puisque les transactions y portent le plus souvent sur des immeubles, plutôt que sur des terres à bâtir ou à cultiver. Le fonctionnement de ce marché a donné lieu à quelques études remarquables10, sans que celles-ci constituent cependant une école de recherche au même titre que le marché de la terre rural.
L’expression « marché de la terre» elle-même mérite qu’on s’y arrête un instant : venue des Anglo-Saxons (land market) en même temps que le sujet de recherche lui-même, elle a été adoptée sans explications particulières dans toutes les langues des historiens modernistes et médiévistes qui ont été séduits par ce thème de recherche : anglais, italien, castillan et catalan, français11. Mais elle est au fond assez inadaptée à l’objet qu’elle recouvre, au moins pour les médiévistes ; son emploi demande à tout le moins des éclaircissements. Le terme de marché évoque en effet une situation « ouverte », dans laquelle la circulation des biens et la fixation des prix se font librement, et les transactions dépendent peu des relations personnelles entre les contractants12. Or on va voir que ces notions doivent être mises en question pour une grande partie au moins des transactions foncières médiévales et même modernes. Un résultat essentiel de la recherche a même été justement de montrer qu’il fallait abandonner l’idée que la valeur des biens fonciers se conformait normalement au Moyen Age à un prix du marché dépendant d’une loi générale de l’offre et de la demande : il n’est plus question aujourd’hui d’utiliser sans états d’âme les actes de vente pour tracer des courbes de prix de la terre et les interpréter comme des indicateurs de l’évolution économique. La recherche sur le « marché de la terre » a en fait paradoxalement plutôt montré la vanité de cette expression, appliquée au Moyen Age ; un ouvrage récent sur la Galice –qui traite il est vrai d’une situation extrême dans laquelle le marché est étouffé par un grand investisseur- a même pris comme titre « transactions sans marché »13.
Le « marché de la terre » médiéval est donc assez éloigné des définitions courantes du marché, et cela peut faire naître plus d’un malentendu. Les plus récentes discussions sur ce sujet14 ont cependant conclu qu’il était légitime de conserver cette expression, en soulignant notamment que la notion de marché pouvait prendre en compte des facteurs qui ne relèvent pas de la pure rationalité économique (sociaux, affectifs, symboliques…), et qu’elle pouvait s’appliquer même à des densités de transactions faibles, comme celles que présentent la plupart des dossiers de sources médiévales : un village où il n’y a qu’une demi-douzaine de ventes de champs par an, entre gens qui sont liés entre eux par toutes sortes d’obligations réciproques, est bel et bien un marché pour l’économiste ; l’anthropologue quant à lui, lorsqu’il est confronté à une situation de ce genre, s’attache plutôt à l’ensemble de relations interpersonnelles qui constitue l’arrière-plan des transactions et leur donne leur sens ; l’historien a appris désormais à croiser ces deux approches complémentaires. Le dialogue entre historiens et anthropologues15 a de surcroît enseigné aux premiers que le versement du prix, qui peut au demeurant être retardé pendant des mois ou des années, ne rompt pas forcément les liens entre les contractants, et que les rapports de réciprocité peuvent survivre à la transaction, et même être stimulés par elle. Les transactions foncières médiévales peuvent donc bien être considérées comme un marché, à condition qu’on ne néglige aucune de leurs spécificités.

L’étude des transactions foncières avant le « marché de la terre ». 

Les médiévistes n’ont pas attendu l’introduction de ce nouvel objet historiographique pour s’intéresser aux transactions foncières. La période qui a vu les historiens se tourner en grand nombre vers l’économie, et que l’on rattache globalement à l’influence de « l’école des Annales », première manière –de l’immédiat avant-guerre aux années 70-, les a déjà largement prises en compte, en particulier dans le domaine français : la plupart des monographies régionales, qui constituent un des grands héritages des médiévistes français de cette époque, comprennent quelques pages sur la circulation des champs et des exploitations rurales : ainsi la « Picardie » de Robert Fossier, le « Chartrain » d’André Chédeville, pour ne citer que ces deux-là16. Les grandes synthèses de Duby et de Fourquin17 font place quant à elles à la diffusion des rentes constituées à partir du XIIe siècle, présentée comme un autre indicateur important de la conjoncture et de la « monétarisation » de l’économie rurale. L’influence dont jouissaient à l’étranger les Annales et quelques grands médiévistes français y a fait essaimer ce genre de préoccupations18 : le jeune Cinzio Violante, lecteur attentif de l’historiographie française, intitulait en 1953 « la progressive augmentation des prix19 comme symptôme de reprise de la vie économique et sociale» un passage souvent cité de La società milanese nell’età precomunale20 ; et, dans la durable fortune outre-Pyrénées du livre de Pierre Bonnassie sur la Catalogne21 –de vingt ans postérieur-, les analyses des séries denses de transactions foncières entre paysans, concluant à la disparition de l’alleu sous la pression seigneuriale, n’ont pas été les moins lues par la cohorte d’historiens de valeur qui ont depuis développé le thème du « féodalisme catalan » et ont fait de la Catalogne l’une des régions d’Occident où le marché de la terre est le mieux connu. 
On pourrait dire en somme, avec un brin de paradoxe, que dans l’historiographie française et dans les travaux qu’elle a de près ou de loin inspirés, le marché de la terre, sans le nom, a connu ses plus beaux jours à l’époque des grandes monographies d’histoire rurale. Cependant ces études ne s’attachent pas vraiment aux transactions foncières pour elles-mêmes, mais plutôt en tant que moyens pour atteindre d’autres objets. Les descriptions de parcelles et d’exploitations que contiennent les actes de vente permettent en effet d’abord d’analyser la structure agraire, surtout si on peut les combiner avec des sources descriptives tels que censiers et inventaires divers. Les séries de prix fournissent d’autre part des données précieuses pour entrevoir la conjoncture économique, à des époques où les sources sérielles sont presque inexistantes. Une fois tenu compte de quelques facteurs de base qui peuvent influer sur la valeur intrinsèque des terres22, l’observation de séries suffisamment denses, telles que les fournissent la Catalogne du Xe siècle, la Lombardie du XIe, et des campagnes plus septentrionales à partir de dates généralement un peu plus récentes, permet de mettre l’évolution du prix de la terre (et celle de la valeur relative des divers types de terres) en rapport avec la croissance économique et démographique entre XIe et XIIIe siècles, avec la crise ensuite. Cet ensemble de notions et de corrélations simples a constitué la base de l’approche empirique des médiévistes jusqu’à une date plus ou moins récente selon les pays. Pour étudier la société rurale, on préférait d’autres sources (qui pouvaient d’ailleurs servir elles-mêmes pour l’étude de la conjoncture) : les contrats agraires surtout, privilégiés par leur nombre, ou les testaments, les actes de justice... En France, cette conception de l’intérêt des transactions foncières, « instrumentale » et surtout orientée vers l’étude des structures agraires et de la conjoncture, a prévalu jusqu’à ces dernières années23, alors même qu’une certaine désaffection pour les monographies d’histoire rurale la privait progressivement de pratiquants24.
Alors que cette façon d’étudier les transactions foncières atteignait son apogée chez les Français, entre années 60 et années 70, des courants d’origines très différentes convergeaient dans d’autres pays, de façon assez inattendue, pour transformer cette étude en objet historiographique de plein exercice. 

Les Carte nativorum, Michael Postan et l’historiographie britannique.

Le début de l’histoire des études sur le marché de la terre ressemble à celui d’une aventure de Blake et Mortimer25 : quelques amis prennent le thé dans une résidence de la campagne anglaise, et un vieux manuscrit va les mettre sur la piste d’un grand mystère scientifique. En l’occurrence, nous sommes en 1938, et les personnages sont Michael Postan et son épouse, venus en visite de Cambridge à Peterborough, chez leur « charmant et enthousiaste ami Mr. W.T. Mellows». Ils se rendent périodiquement chez lui pour consulter les archives de l’ancienne abbaye de Peterborough, dont il possède une partie. Cet après-midi-là, Mellows leur montre un manuscrit provenant également de Peterborough, que son père a acheté chez Sotheby’s ; une main du XVIIIe siècle a écrit sur la couverture « carte nativorum » ; et chacun de blâmer l’imprécision des érudits d’autrefois : le titre est sûrement inexact, car des nativi, paysans non libres, ne peuvent pas posséder de terres, et donc pas non plus de carte, de chartes de propriété. Feuilletant le volume, Postan constate cependant qu’il reconnaît certains des noms des hommes qui vendent et achètent des terres : il les a rencontrés parmi les serfs de l’abbaye (vilani, nativi) , sur lesquels il travaille à cette époque. Le titre n’est donc pas trompeur : les Carte nativorum sont bien «un cartulaire de paysans», dont certains sont des serfs, « un document hautement inhabituel, et, pour autant que je sache - écrit Postan- le seul de son espèce connu aux historiens ». Rédigé à l’abbaye de Peterborough au milieu du XIVe siècle, le cartulaire se compose de 495 actes, datables de la seconde moitié du XIIIe, dont la plupart rapportent des cessions de terres entre paysans, libres ou non. Ces textes bouleversent une opinion jusque-là admise par les médiévistes anglais, à savoir que les serfs –c’est-à-dire la grande majorité des paysans anglais- ne pouvaient pas accéder à la possession de terres, ni vendre celles-ci.
La publication des Carte Nativorum, avec une préface de Postan, va attendre 22 ans ; mais elle sera immédiatement à l’origine de l’ensemble de recherches le plus précoce et le plus vigoureux sur le marché de la terre médiéval, grâce à l’exploitation de la remarquable documentation des grandes seigneuries ecclésiastiques anglaises. Les court rolls (procès-verbaux des sessions des cours de justice seigneuriales) s’avèrent particulièrement précieux : les transferts de terres donnent lieu en effet à enregistrement par l’administration seigneuriale, moyennant une taxe. Le marché de la terre devient ainsi pour la première fois une question historique à part entière pour les médiévistes. Toute une série de publications anglaises26 se constitue depuis les années 60, et aboutit en 1984 à deux volumes collectifs27 ; les travaux se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui. Ils tournent tout particulièrement autour de deux des questions clefs qui vont dominer ensuite tous les débats sur le marché de la terre. 
La première de ces questions majeures est l’accès des paysans à la possession et à la vente de terres, avec à l’arrière-plan le rôle du seigneur dans les transactions28. L’Europe méridionale ignore ce problème : dès que l’on dispose de documents privés, au VIIIe siècle, on voit des paysans venir trouver le notaire pour vendre et acheter des terres29. Dans la Catalogne du Xe siècle, les transactions foncières paysannes se comptent par milliers, comme dans l’Italie d’après l’an mil. Les choses sont bien différentes pour les serfs anglais d’après la conquête, dont le statut ne leur permet pas de posséder de biens fonciers. C’est en cela que les Carte nativorum, qui révélaient une possession paysanne de la terre bien plus ancienne qu’on ne le croyait, ont joué un rôle décisif dans la genèse de l’histoire du marché de la terre30. Des situations (et des types de sources) analogues se retrouvent dans beaucoup de régions de l’Occident médiéval, où le seigneur prélève une taxe sur les transferts de terres (les lods et ventes des historiens français).
La deuxième question majeure qui est posée dès la préface de Postan aux chartes de Peterborough –et qui, elle, vaut pour toute l’Europe, avec des configurations diverses- est celle de savoir s’il y a vraiment un marché foncier, ou bien si les terres ne circulent qu’au sein de la cellule familiale, ou d’un groupe de cellules familiales, en fonction de l’évolution de leurs besoins31. Ce dernier point a tenu une place particulièrement importante dans les débats ; l’interprétation « familiale » a en fait deux options. Pour certains historiens, la majorité des transmissions de biens enregistrées par les sources seigneuriales se passe à l’intérieur même des familles, et n’a donc que l’apparence de transactions : ce sont en fait des héritages que le seigneur autorise en prélevant une taxe ; il n’y a pas du tout de marché, ni même de transactions. Pour d’autres, une partie des transactions sort bien du cadre de la famille, mais elles restent quand même dominées par la structure familiale : la famille paysanne, correspondant à l’unité d’exploitation, acquiert des terres (en propriété ou en tenure) quand elle s’accroît et en vend quand elle se rétrécit ; le jeune ménage étend son exploitation pour s’établir et faire face aux besoins croissants de sa progéniture, et il la réduit à partir du moment où enfants, devenus adultes, quittent le foyer ; certaines veuves, qui finissent de liquider l’exploitation, sont des vendeurs particulièrement actifs. Postan expliquait déjà de cette façon les transactions des Carte nativorum. Cette interprétation aboutit à une conception cyclique et fermée sur elle-même du marché de la terre, dont la « respiration » au rythme des générations humaines ignore les phénomènes d’accumulation. 
L’interprétation diamétralement opposée (ou la situation diamétralement opposée, comme on voudra) est celle de l’historiographie de l’Italie communale, dominée par la notion de l’accumulation foncière que réalisent les citadins aux dépens des ruraux. Ceux-ci, libres propriétaires ou tenanciers perpétuels, disposent de leurs terres sans aucune contrainte juridique ; affrontés à la rapide « commercialisation » de l’économie dès le XIe siècle, ils sont amenés au cours des trois siècles qui suivent à liquider leurs exploitations et même leurs biens collectifs, par la pression démographique et par la confrontation avec les citadins. Ces derniers disposent de ressources bien supérieures et les investissent dans des opérations de crédit qui s’achèvent immanquablement par l’acquisition des terres des ruraux32. A l’arrière-plan de ce schéma, une vue malthusienne implicite de l’économie rurale : le stock de terres disponibles pour l’exploitation (cultivées ou à défricher) est limité et s’épuise au cours du XIIIe siècle alors que la population continue d’augmenter, d’où hausse des prix de la terre, réduction des surfaces des exploitations, et paupérisation des familles nombreuses manquant de terre33. Ce malthusianisme est à vrai dire assez paradoxal, puisque l’Italie communale est la partie de l’Occident où le développement est le plus intense, et une des seules où les ressources agricoles n’ont plus, dès le XIIIe siècle, une importance absolument primordiale. On remarquera qu’au contraire la conception « familiale » du marché de la terre retenue par un courant important de l’historiographie anglo-saxonne ne tient guère compte de l’augmentation de la pression démographique ni de la limitation des terres disponibles, qui pourraient enrayer le retour cyclique de l’équilibre à chaque génération (ni d’autres phénomènes tels que le développement du salariat et de l’émigration, qui tiennent au contraire une place importante dans le schéma d’évolution italien). 

Chayanov.

La conception d’un marché de la terre cyclique, dont le rythme se calque sur celui de la reproduction biologique des familles paysannes, et que ne vient perturber aucune intervention extérieure, doit être recherchée dans l’héritage intellectuel d’Alexandre Chayanov, dont elle constitue la partie fondamentale. Quelques années après l’édition des Carte nativorum, on exhume de l’oubli où ils étaient tombés les travaux de cet économiste russe, disparu dans les purges staliniennes au moment même où Postan découvrait le précieux manuscrit : en 1966, les principales oeuvres de Chayanov, jusque-là connues de très peu d’Occidentaux (dont Postan lui-même) sont traduites en anglais aux Etats-Unis, avec une présentation et des commentaires qui les rendent accessibles34. C’est le début de sa fortune en Occident, 36 ans après sa disparition et après le coup d’arrêt à la diffusion de ses idées en URSS35.
Alexandre Vassilievich Chayanov36 (1888-1939) a mené à Moscou une carrière d’enseignant et de polémiste consacrée à l’économie agraire ; c’est la personnalité la plus influente en ce domaine en Russie dès l’époque de la révolution, et il le reste ensuite bien que ses idées divergent des doctrines officielles. De 1919 à 1930, il dirige un grand institut d’économie agraire. En 1930, il est accusé avec d’autres économistes d’idées petit-bourgeoises et de sabotage de la production agricole, et disparaît ; il aurait été fusillé en 1939. 
Du vivant de Chayanov, seuls quelques Occidentaux37 avaient eu accès à ses ouvrages et à ses nombreux opuscules sur l’économie rurale russe, dont quelques-uns avaient été traduits en allemand mais dont la diffusion restait confidentielle hors de l’URSS38. Parmi ces précoces adeptes de Chayanov, on l’a vu, Postan, lui-même d’origine russe et intéressé par les courants de pensée en URSS, qui diffuse à son tour ses idées chez les médiévistes anglais39. Ce n’est qu’avec l’édition américaine des œuvres majeures de Chayanov, en 1966, que ses idées vont être assimilées par bon nombre d’historiens et de spécialistes d’autres sciences sociales. Cette redécouverte de Chayanov est l’un des points du dossier de l’historiographie de la terre où les idées circulent le plus, d’un domaine scientifique à l’autre, d’un continent à l’autre. L’édition américaine est produite par deux chercheurs de l’EHESS –alors encore VIe section de l’EPHE-, Daniel Thorner et Basile Kerblay, qui dirigent également un peu plus tard une édition française40. Chayanov ne fait cependant guère fortune chez les historiens français : Maurice Aymard ou Emmanuel Le Roy Ladurie, et déjà Fernand Braudel, le connaissent et le discutent, mais les médiévistes l’ignorent41. En revanche les œuvres de Chayanov se diffusent parmi les historiens espagnols, via ceux d’entre eux qui se sont exilés en Amérique latine pendant le franquisme ; ils trouvent là-bas des foyers d’intérêt pour les idées de Chayanov, qui sont intégrées au débat sur le développement des pays du Tiers-Monde : ainsi s’explique la traduction espagnole de ses œuvres à Buenos Aires en 1974, directement du russe, suivie de celle de l’édition Kerblay et Thorner à Mexico en 1981. Pierre Vilar consacre un long article en espagnol à discuter la notion d’«économie paysanne» diffusée par Thorner42. L’établissement du régime militaire en Argentine suscite un nouveau flux d’historiens et d’idées, en sens inverse cette fois ; chez les médiévistes, c’est Reyna Pastor qui apporte ce bagage en Espagne lorsqu’elle s’y installe après le rétablissement de la démocratie. En Italie les œuvres de Chayanov sont traduites en 1988. Il s’agit justement des pays où le marché de la terre devient peu après un thème de recherche : la thématique chayanovienne va donc tout naturellement être intégrée à la problématique des premières rencontres.
Les idées de Chayanov s’appuient sur les grandes enquêtes sur la paysannerie russe qui ont été réalisées à partir de 1860. Pour lui, l’économie agraire a un but pratique immédiat : il s’agit de mieux organiser la production agricole, sans attendre d’éventuels changements politiques. L’exploitation familiale doit être conservée, car son mode de fonctionnement –en premier lieu l’absence de main-d’œuvre salariée- lui confère beaucoup plus de souplesse et de capacité de réaction que les grandes exploitations, qu’elles soient privées, collectives, ou étatiques. Il faut donc donner à la petite exploitation les moyens d’intensifier et de commercialiser sa production, en particulier par des coopératives. Au demeurant l’objectif du paysan n’est pas le profit maximum, mais l’équilibre entre le bien-être et le travail : la famille cesse de travailler lorsque ses besoins sont assurés et que le profit devient marginal. D’autre part, la division fondamentale au sein de la société rurale est provoquée par le cycle démographique : celui-ci oppose alternativement les exploitations de jeunes couples, qui ont de gros besoins pour nourrir leurs enfants, et celles des vieux, qui n’ont plus besoin de beaucoup produire. 
Les grands reproches que l’on a fait à Chayanov sont d’avoir décrit une société rurale immobile, et de s’être exclusivement fondé sur l’observation des données russes : l’abondance de terres et sa libre disposition par ceux qui la cultivent, par exemple, sont des conditions sine qua non pour la reproduction de cette société, et on peine à faire entrer dans ce schéma les lieux et les époques où ces conditions ne sont pas remplies, comme l’Europe surpeuplée de la fin du XIIIe siècle, ou celles des sociétés médiévales dans lesquelles le servage s’accompagne de restrictions à la propriété43. De même, l’absence d’intervenants extérieurs dans la circulation des terres n’est guère exportable à des pays –l’Italie communale et les environs de toutes les villes occidentales de ce temps- où une bourgeoisie entreprenante a des capitaux à investir. Chayanov a cependant cherché à transformer ses idées en une doctrine applicable à toutes époques et tous pays44 : l’«économie paysanne», fondée sur la petite exploitation familiale, serait une des formes de l’histoire économique de l’humanité45 à côté de l’esclavage, du féodalisme, du capitalisme et du socialisme. Mieux que cette tentative de construire une théorie générale, l’application tardive des idées essentielles de Chayanov à toutes sortes de situations –médiévales en particulier- a prouvé que leurs racines exclusivement russes ne les empêchait pas d’être transposables : la problématique du marché de la terre a intégré l’idée que les transactions sont dominées, ou en tout cas largement conditionnées, par l’évolution cyclique de la taille des exploitations en fonction de celle des familles. C’est un point central de la discussion entre Anglo-Saxons46, qui reparaît explicitement, avec des nuances, chez Giovanni Levi47, Emmanuel Le Roy Ladurie, Maurice Aymard48… ; la thèse et un article de Gérard Béaur sont en partie construits sur ce schéma49. Evelyne Patlagean transpose cette problématique à Byzance50. Les médiévistes espagnols la connaissent aussi, et s’ils ne l’appliquent pas directement ils en tirent au moins un mode d’interprétation à combiner à d’autres.

Quaderni Storici 1987 : Giovanni Levi, les Italiens, l’Ecole française de Rome et l’EHESS. 

En Italie, les études sur le marché de la terre débutent exactement au moment où les médiévistes anglais atteignent leurs résultats majeurs : en 1985 avec le livre de Giovanni Levi, L’eredità immateriale. Carriera di un esorcista nel Piemonte del Seicento 51, et 1986 avec le colloque réuni à l’Ecole française de Rome par Giovanni Levi et Gérard Delille, dont les actes sont publiés en 1987 dans la revue Quaderni Storici. Delille, directeur des études modernes et contemporaines à l’EFR, vient de publier sa thèse Famille et propriété dans le royaume de Naples (XVIIIe-XIXe siècles)52, importante pour le sujet qui nous occupe ; quant au livre de Levi, il aura une grande influence un peu partout en Europe. Avec lui, le marché de la terre entre clairement en tant que tel dans l’historiographie italienne ; mais en même temps il le tire du côté de la micro-histoire, dont il est l’un des maîtres : cette façon d’envisager le passé permet, en passant au peigne fin les relations entre les habitants d’un village et en alternant les angles et les échelles d’observation, de démêler tous les tenants et aboutissants des transactions, et de les révéler souvent très différentes de ce qu’elles paraissaient53. Les résultats de Levi sont spectaculaires et déconcertants : les habitants de son village piémontais vendent plus cher à leurs proches qu’aux étrangers, contrairement à ce que l’on aurait pu supposer –et que les médiévistes supposaient trop facilement dans leurs études des transactions foncières. Ces comportements a priori aberrants s’expliquent, bien sûr. Et l’explication donnée par Levi fait apparaître deux autre thèmes majeurs dans la palette des études sur le marché de la terre. Le premier, c’est l’idée –à vrai dire point nouvelle mais jamais vraiment systématisée- que les transactions n’obéissent pas seulement à une logique économique, mais aussi à des raisons sociales (ou familiales) : c’est au cas par cas que l’on doit évaluer dans quelle mesure la valeur des biens fonciers et immobiliers se conforme, lors d’une transaction donnée, à un prix du marché qui dépendrait d’une loi générale de l’offre et de la demande indépendante des personnalités de l’acheteur et du vendeur ; et dans quelle mesure ces personnalités des contractants, et les liens qui existent entre eux, pèsent sur le prix de vente. 
Il faut ici évoquer une autre influence encore, celle de Karl Polanyi : La grande transformation a été traduite en 198354 dans la Bibliothèque des Histoires comme le sera Le pouvoir au village. Forte sur une partie des une partie des pré- et protohistoriens et des historiens de l’économie antique55, l’influence des idées de Polanyi n’est pas négligeable sur certains modernistes : le thème central, si on peut le résumer grossièrement, est qu’avant la révolution industrielle l’Europe, comme le reste du monde, ignore la domination de l’économique sur le social - les phénomènes économiques étant d’ailleurs eux-mêmes inséparables de leur contexte social– ; c’est ce qu’illustre parfaitement le marché de la terre, ce marché qui n’en est pas tout à fait un. 
Une autre idée du livre de Levi qui est importante pour la recherche sur le marché de la terre, c’est que l’acte de vente que nous avons entre les mains lorsque nous dépouillons un fonds d’archives n’est généralement qu’un maillon d’une chaîne de transactions dont nous n’avons pas forcément conservé l’ensemble : pour prendre un exemple élémentaire, le bas prix d’une terre vendue peut s’expliquer par un prêt antérieur jamais remboursé, que solde la vente. Si le lecteur n’est pas las des sauts de puce et grands écarts d’un courant d’idées à l’autre, il pourra remarquer que l’on n’est pas très éloigné ici de la démarche de Barbara Rosenwein, auteur d’un autre livre d’influence à peu près contemporain, mais dont le public ne recoupe qu’en partie celui de Levi, To be a Neighbor of Saint Peter56. Cette étude sur les relations entre Cluny et ses voisins laïcs, de la fondation de l’abbaye au milieu du XIe siècle, montre que les donations et les quelques ventes de terres faites à Cluny à cette époque sont bien autre chose que de simples transferts de propriété : elles servent également à créer des liens. Un peu comme Levi, Rosenwein nous enseigne aussi qu’une transaction peut n’être jamais terminée : les confirmations rituelles de la cession d’une terre au monastère, répétées au fil des générations, permettent aux descendants du donateur de maintenir avec les moines le lien créé par la cession initiale. En échange, les donateurs reçoivent des prières, mais aussi le « voisinage avec saint Pierre » qui donne son titre au livre, et qui fournit une autre leçon pour l’étude du marché de la terre : la valeur spéciale – souvent difficile à discerner pour nous- que peut prendre telle ou telle terre pour des raisons parfaitement extra-économiques. C’est avec Levi et Rosenwein que les historiens du marché de la terre se rapprochent le plus de l’anthropologie, dans la veine classique du don et du contre-don : ces chaînes de transactions qui n’en finissent pas, qui ménagent toujours une future étape à la réciprocité, maintiennent le lien social, dans le fil des échanges ritualisés que pratiquait, à grande échelle, le haut Moyen Age. Egalement familière à l’anthropologue l’idée que les transactions répondent à une rationalité qui n’est pas purement économique, mais intègre des attentes sociales, familiales, spirituelles… : c’est justement cette renonciation délibérée à transposer telle quelle dans le passé la rationalité du monde industriel et capitaliste, qui distingue les historiens actuels du marché de la terre de ceux des générations précédentes57.
Il est caractéristique que la seule contribution sur l’Italie médiévale dans le recueil Il mercato della terra soit due à un Anglais, Chris Wickham58 ; le choix des articles est d’ailleurs à lui seul indicatif de l’état de la recherche sur le marché de la terre au Moyen Age au milieu des années 80 : deux articles sur l’Angleterre59 et celui d’un Américain sur la Castille60. On a l’impression que les études se résument encore au monde anglo-saxon. En fait les Espagnols ont déjà commencé à travailler à cette époque-là, mais leurs résultats ne seront publiés qu’un peu plus tard. Quant aux Italiens, il faut bien dire que le numéro de Quaderni Storici n’a pas eu sur eux d’effet incitatif61.
Le thème ne s’est pas imposé non plus chez les médiévistes français, en dépit du patronage de l’Ecole française de Rome. Après l’unique manifestation de 1986, le marché de la terre ne reparaît d’ailleurs plus parmi les thèmes de recherche qui constituent des « fils rouges » plus ou moins suivis des MEFRM et des colloques de l’Ecole, pas davantage que dans les travaux de la majorité de ses membres et anciens membres, dont plusieurs poursuivaient pourtant des recherches d’histoire rurale : les médiévistes farnésiens que les campagnes intéressent sont alors occupés des problématiques de l’incastellamento ou de la société communale, et laissent échapper cette incitation. Les exceptions à cette indifférence sont cependant remarquables : dès 1984 Jean-Claude Maire Vigueur, directeur des études médiévales à l’EFR, a repris l’interprétation des ventes et reventes répétées des grands domaines de la Campagne romaine sur lesquels il travaillait62. A l’explication économiste qu’il adoptait précédemment, en conformité avec la tendance historiographique dominante (la circulation des exploitations est une conséquence du dynamisme économique des hommes d’affaires romains, qui investissent dans l’agriculture), il substitue une interprétation fondée sur des exigences symboliques de reproduction de la famille et de son prestige social : les domaines ruraux constituent pour les familles dominantes de Rome un capital qui sert à doter les filles et à acquérir des maisons pour les fils, et c’est pour cela qu’ils circulent beaucoup. D’autres membres de l’EFR tirent les leçons de la rencontre de 1986 : Laurent Feller les intégre à sa thèse63, et propose avec Wickham, longtemps après, la recherche collective qui sera mise en oeuvre en 1999-2001 ; Olivier Faron et Etienne Hubert transposent dans le domaine du marché immobilier urbain les enseignements des débats sur le marché de la terre64.
Mais c’est surtout du côté de l’EHESS qu’il faut chercher des prolongements à la rencontre romaine de 1986 : Levi et Delille, qui y enseignent tous deux au cours des années suivantes, vont y raviver, ou y poursuivre (mais toujours sans écho auprès des médiévistes parisiens), l’intérêt pour le marché de la terre qui avait débuté quinze ans auparavant avec Thorner et Kerblay65. Avant le colloque de l’Ecole de Rome, en 1983, a paru dans les Annales un article bref mais important de Maurice Aymard, qui a, entre autres mérites, celui de situer le marché de la terre parmi les quatre marchés auxquels a accès le paysan : la terre (à vendre ou à louer), les produits agricoles, le crédit, le travail salarié66. L’année suivante paraît aux éditions de l’EHESS la thèse de Gérard Béaur67. Toujours dans la mouvance de l’EHESS, mais dans une orientation un peu différente, se placent ces dernières années les travaux de Postel-Vinay, Hoffman et Rosenthal, à la fois économistes et hommes d’archives ; ce qui les intéresse, davantage que le marché de la terre proprement dit, c’est ce qui est en amont : le crédit, l’accumulation de capital et les mécanismes de l’information qui lui permettent de s’investir dans une transaction bien choisie68. Avec ces contributions, le marché de la terre trouve donc de nouveaux protagonistes parmi les modernistes français, et enrichit sa problématique d’approches inédites. 

L’Espagne. 

L’Espagne apparaît comme l’autre école médiéviste nationale, avec et après la Grande-Bretagne, où le thème du marché de la terre a percé : c’est clair à partir de la publication en 1995 d’un ensemble de cinq articles dans la revue Hispania, sous la direction de Reyna Pastor. Le titre du dossier d’Hispania indique d’emblée le degré de maturité atteint, neuf ans après la rencontre de Rome : « El mercado de la tierra en la edad media y moderna. Un concepto en revision ». L’introduction de R. Pastor situe sans ambages les débats dans lesquels ne peut éviter de s’inscrire désormais la recherche sur le marché de la terre –et que j’ai résumés ci-dessus-, et souligne que les quatre articles rassemblés n’ont pas d’unité a priori : les auteurs sont Giovanni Levi, dont l’influence s’exerce ici comme ailleurs69, et quatre Espagnols dont trois médiévistes, R. Pastor elle-même, Antoni Furió et Josep Maria Salrach, « choisis en raison de leur prestige reconnu comme chercheurs et de l’intérêt qu’ils ont manifesté à plusieurs reprises pour cette thématique ». De fait, derrière ces trois têtes de file, des groupes de recherche travaillent depuis plusieurs années déjà sur le marché de la terre dans les archives galiciennes, valenciennes, catalanes, et d’autres chercheurs suivent cette orientation ailleurs70.
Un peu comme chez les médiévistes anglo-saxons, la multiplication des travaux autour de ce nouveau thème ne va pas sans débats ; ici la principale divergence porte sur l’existence ou non d’un marché, et elle s’explique par par la solution de continuité qui court au sein même de la péninsule, dans les situations historiques et dans les documentations. Il y a en fait deux Espagnes71 en ce qui concerne les transactions foncières aussi bien que les sources qui permettent de les connaître : d’une part la côte méditerranéenne et son arrière-pays, de la Catalogne et de la Navarre au royaume de Valence et à l’Andalousie, d’autre part l’Espagne du centre et du Nord-Ouest, castillane et galicienne. En gommant les différences internes, on peut dire que le premier ensemble dispose dès le courant du XIIIe siècle d’excellents registres notariés, qui attestent un marché paysan très actif72. C’est vrai surtout dans les huertas valenciennes et andalouses où il est alimenté par la conquête chrétienne du XIIIe siècle, qui exproprie les musulmans et leur substitue une population instable, et par la coutume successorale égalitaire : les exploitations se composent en grande partie de terres achetées récemment, et vite revendues73. Pour l’Espagne du centre et du Nord-Ouest en revanche, on doit se contenter jusqu’au XVe siècle de chartriers ecclésiastiques, qui reflètent une situation atone, dominée par la grande propriété et résumée dans la formule extrême de R. Pastor, « transactions sans marché ». 
Les avancées de la recherche et les échanges d’influences au sein des études sur le marché de la terre médiéval ne s’arrêtent pas aux travaux espagnols des années 90 : depuis 1999, deux colloques74 ont rassemblé des chercheurs des différentes nationalités concernées, et même de pays, l’Allemagne et les Etats-Unis, qui étaient jusque-là restés à l’écart. Convergences et confrontations se sont affirmées entre les différentes écoles nationales et avec les économistes, économètres et anthropologues, eux aussi représentés. La circulation des thèmes et des idées, dont j’ai cherché à retracer le cheminement avec ses détours parfois inattendus, ses accélérations et ses impasses, continue donc, et s’intensifie. 



* Ce texte doit paraître, en version abrégée, dans un volume collectif publié par les Presses universitaires de Rennes. Nous remercions la direction des PUR d’avoir autorisé la publication en ligne de cette version intégrale. 
1 Je suis redevable de mon intérêt pour le marché de la terre, et de la majeure partie de mes connaissances à son sujet, au groupe de travail animé par Laurent Feller, Chris Wickham et Monique Bourin ; les actes des deux rencontres qu’ils ont organisées en 1999 et 2000 sont en cours de publication sous le titre Le marché de la terre au Moyen Age dans la Collection de l’Ecole française de Rome. J’exprime également ma reconnaissance aux collègues qui ont présenté des communications sur ce thème à mon séminaire de l’Ecole Normale Supérieure durant l’hiver 2000-2001 : Agnès Gramain, Laurent Feller, Gilles Postel-Vinay, Etienne Hubert, Antoni Furió et John Drendel, ainsi que Régine Le Jan et François Bougard qui nous ont permis des confrontations avec les situations du haut Moyen Age (voir les actes de la première rencontre du groupe de recherches qu’ils animent : Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, VIIIe-Xe siècle, Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen Age, 111-2, 1999). Je suis également redevable d’un certain nombre d’informations à des conversations avec Philipp Schofield, Jacques Bottin, Antoni Furió, Evelyne Patlagean, Florence Weber, Ana Rodriguez Lopez. Ces dernières, ainsi que Monique Bourin, Chris Wickham et Laurent Feller, ont bien voulu lire mon article et me communiquer leurs remarques et des suggestions de lectures complémentaires ; il va de soi que les imperfections et les erreurs que le texte peut encore contenir en dépit de toutes ces aides me sont entièrement imputables.
2 Il faut aussi prendre en considération les dots et autres transferts de terres ou de droits fonciers qui accompagnent les mariages : ils mobilisent un considérable volant de terres, souvent acquises pour la circonstance et facilement revendues, par exemple en cas de veuvage. La circulation foncière s’en trouve sensiblement accélérée ; voir par ex. les études de J.-C. Maire Vigueur, A. Furió ou G. Delille citées ci-dessous. Le paiement de ces achats engendre par ailleurs un endettement qui peut peser lourd dans les budgets paysans : nombreux cas par ex. dans Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne. Actes des XVIIes Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran (septembre 1995), Toulouse, 1998. Ce volet a été particulièrement pris en compte dans Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, VIIIe-Xe siècles (II). Actes de la rencontre de Lille (mars 1999), sous presse. Remarquons en passant – pour faire un peu de gender history- que les transactions foncières sont au Moyen Age central plutôt une affaire d’hommes, à la notable exception près des veuves (voir ci-dessous ; et B.A. Holderness, «Widows in pre-industrial society : an essay upon their economic functions», dans Land, Kinship and Life-Cycle, éd. R. M. Smith, Cambridge, 1984, p. 423-442). Sur des comportements analogues dans le domaine, très proche, du crédit, W.C. Jordan, Women and credit in pre-industrial and developing societies, Philadelphie, 1993. 
3 Exemples parmi beaucoup : en Catalogne, le marché est constitué d’alleux paysans jusqu’au XIe siècle, mais de tenures ensuite, après la raréfaction des alleux (voir par ex. L. To Figueras, « Exemples catalans », dans Le marché de la terre au Moyen Age). Au pays de Valence, et ailleurs dans la péninsule ibérique des derniers siècles du Moyen Age, l’endettement paysan conduit habituellement à la constitution de rentes sur la terre, plutôt qu’au transfert de propriété au prêteur –qui est souvent un citadin- comme c’est le cas en Italie : A. Furió, « Endettement paysan et crédit dans la péninsule ibérique au Moyen Age », dans Endettement paysan et crédit rural…, p. 139-167 ; J.-L. Gaulin et F. Menant, « Crédit rural et endettement paysan dans l’Italie communale », ibidem, p. 35-68. 
4 Pour éviter les périphrases, j’entendrai désormais comme « paysans » les exploitants directs, à l’exclusion naturellement de grands propriétaires tels que certains ordres monastiques, Cisterciens ou autres. 
5 L’enregistrement des transferts de tenures par l’administration seigneuriale constitue une source majeure pour l’histoire du marché de la terre dans beaucoup de pays (ci-dessous, le cas anglais). Pour les transactions qui portent sur des propriétés échappant à cet enregistrement, ce sont les actes notariés qui forment la grande masse des sources, du moins dans le Sud de l’Europe : en originaux d’abord, en registres de minutes à partir du XIIIe siècle dans les régions les plus précoces, Italie et pays de Valence en tête. Dans les pays qui ne disposent ni de l’une ni de l’autre de ces sources, la connaissance même des transactions foncières peut s’avérer difficile, à moins que n’existent des types particuliers d’enregistrement des actes.
6 Il faut relever d’emblée que la pratique successorale constitue un facteur important dans l’activité du marché de la terre, même si des pratiques différentes peuvent finalement aboutir à des résultats comparables : la circulation des parcelles est stimulée au royaume de Valence et en Lombardie par le partage égalitaire, mais également en Angleterre par l’usage inverse, celui de transmettre des tenures entières, qui conduit les pères de famille à acheter des terres pour les fils exclus de l’héritage (cf. C. Dyer, « The peasant landmarket in medieval England », dans Le marché de la terre au Moyen Age). Les terres destinées à doter les cadets et les filles, circulant plus vite que les exploitations entières, tendent à former un marché particulier.
7 Le monastère de Casauria dans les Abruzzes de la fin du IXe siècle, celui d’Oseira dans la Galice du XIIIe : L. Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale du IXe au XIIe siècle, Rome, 1998 ; R. Pastor et al., Transacciones sin mercado : instituciones, propiedad y redes sociales en la Galicia monástica, 1200-1300, Madrid, 1999 ; R. Pastor et A. Rodriguez Lopez, « Compraventa de tierras en Galicia. Microanálisis de la documentación del monasterio de Oseira. Siglo XIII », Hispania, LV, nº 191 (1995), pp. 953-1024. Et les Cisterciens en général, et plus généralement encore de grands établissements ecclésiastiques, chapitres cathédraux ou monastères, dont l’intervention est cependant moins radicale que celle des deux premiers exemples cités. 
8 On posera plus loin le problème de leur licéité même.
9 R. Le Jan, « Malo ordine tenent. Transferts patrimoniaux et conflits dans le monde franc (VIIe-Xe siècle) », dans Les transferts patrimoniaux…, p. 959. 
10E. Hubert, Espace urbain et habitat à Rome du Xe siècle à la fin du XIIIe siècle, Rome, 1990, p. 265-360 ; O. Faron et E. Hubert (éd.), Le sol et l’immeuble. Les formes dissociées de la propriété immobilière dans les villes de France et d’Italie (XIIe-XIXe siècle), Rome, 1995. 
11 Le thème n’a pas eu de succès en Allemagne, et il n’existe pas d’expression allemande courante qui soit l’équivalent de « marché de la terre». Voir les revues historiographiques de L. Kuchenbuch et de J. Morsel dans Le marché de la terre au Moyen Age, et les études de cas de D. Scheler et de J. Demade, ibidem. 
12 En langage d’économistes : une concurrence pure et parfaite, un libre flux de marchandises et un libre accès des agents, et la transparence, c’est-à-dire la connaissance des possibilités et des intentions des autres acheteurs. Sur toute cette discussion de la notion de marché, voir les contributions d’A. Gramain, J.-P. Florens et F. Weber dans Le marché de la terre au Moyen Age, et l’application dans la lecture croisée par L. Feller, A. Gramain et F. Weber d’un dossier de transactions du IXe siècle, ibidem. 
13 R. Pastor et al., Transacciones sin mercado…
14Lors de la rencontre Le marché de la terre au Moyen Age de 1999.
15 Même s’il a été assez peu présent dans les études du marché de la terre jusqu’à une époque assez récente, sinon indirectement : voir ci-dessous. Mise au point fondamentale : F. Weber, « Le marché de la terre. De l’anthropologie à l’ethnographie », dans Le marché de la terre au Moyen Age.
16 R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie jusqu'à la fin du XIIIe siècle, 2 vol., Paris-Louvain, 1968 ; A. Chédeville, Chartres et ses campagnes (XIe-XIIIe siècle), Paris, 1973. L’analyse la plus approfondie du mouvement des prix est celle de G. Sivery, L'économie du royaume de France au siècle de Saint Louis (vers 1180 - vers 1315), Lille, 1984. Voir G. Brunel, « Le marché de la terre en France septentrionale et en Belgique. Esquisse historiographique », dans Le marché de la terre au Moyen Age, et des analyses supplémentaires de thèses régionales dans L. Feller, « Statut de la terre et statut des personnes. La thématique de l’alleu paysan dans l’historiographie depuis Georges Duby », Etudes rurales, 1997, p. 147-164
17 G. Duby, L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, Paris, 1962, II, p. 494-496 ; G. Fourquin, Histoire économique de l’Occident médiéval, Paris, 1969, p. 222-223 ; Id., « Le temps de la croissance », dans Histoire de la France rurale, dir. G. Duby et A. Wallon, I, Paris, 1975 ; rééd. Paris, 1992, p. 583-586. 
18On placera à part la série d’articles dans lesquels le jeune Américain David Herlihy se livre vers 1960 à des comptages sur des milliers de données foncières et de prix rassemblés de toutes les sources possibles à travers l’Europe, pour définir des évolutions d’ensemble de la propriété et de la richesse. Ses centres d’intérêt et ses procédés ressortissent à ceux des ruralistes qui viennent d’être cités, en les caricaturant parfois par leur globalité : voir par ex. D. Herlihy, « Church Property on the European Continent, 701-1200 », Speculum, 36 (1961), p. 81-105. Ces articles sont rassemblés dans D. Herlihy, The social history of Italy and western Europe, 700-1500, Londres, 1978.
19 Il s’agit essentiellement des prix des terres et des maisons, rassemblés par Violante au paragraphe précédent de son livre.
20 C. Violante, La società milanese nell’età precomunale, Milan, 1953, rééd. Bari, 1974, p. 123-144. Voir aussi la réflexion sur le mouvement des prix de la terre de P. Cammarosano, La famiglia dei Berardenghi, 1974, appendice II, p. 335-355.
21 P. Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle. Croissance et mutations d’une société, 2 vol., Toulouse, 1975-1976 ; rééd. Paris, 1990.
22 Les terres n’ont pas toutes la même valeur objective ; certaines sont plus fertiles, les vignes valent davantage, les terres suburbaines sont bien plus chères que celles des campagnes reculées, etc.
23 Je me permets de citer, parmi les exemples encore assez récents, celui de ma propre thèse, peu sensible au mouvement des prix mais qui utilise les séries d’actes de vente pour analyser l’évolution du paysage agraire et de la taille des exploitations paysannes: F. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Age. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du Xe au XIIIe siècle, Rome, 1993 ; autre exemple contemporain : A. Girardot, Le Droit et la Terre. Le Verdunois à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Nancy, 1992 (analyse critique de G. Brunel, « Le marché de la terre en France septentrionale… »). Pour une situation analogue chez les historiens italiens, S. Carocci, « Il mercato della terra in Italia centrale e settentrionale, 1180-1350 », dans la publication en ligne, sur ce même site, de Le marché de la terre au Moyen Age.
24 Une exception remarquable de médiéviste français qui étudie le marché de la terre en tant que tel, et en tire des conséquences sociales : M. Berthe, « Marché de la terre et hiérarchies paysannes dans le Lauragais toulousain vers 1270 - vers 1320 », dans Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Etudes offertes à Robert Fossier, éd. E. Mornet, Paris, 1995, p. 297-312. 
25 Ce qui suit est tiré de M.M. Postan, « The Charters of the Villeins », dans C.N.L. Brooke and M.M. Postan (éd.), Carte Nativorum. A Peterborough Abbey Cartulary of the Fourteenth Century, Oxford, 1960, p. XXVIII-LX ; rééd. dans Id., Essays on Medieval Agriculture and General Problems of the Medieval Economy, Cambridge, 1973, p. 107-149. 
26 Voir l’excellente présentation de C. Dyer, « The peasant landmarket... », ainsi que les introductions et conclusions des éditeurs aux deux recueils d’articles cités à la note suivante. Un ensemble de travaux important a également été produit à Toronto, autour d’Ambrose Raftis, sur des thèmes proches (mais plutôt centrés sur la communauté villageoise, ses solidarités et ses rapports avec l’individu) ; voir P. Freedman, «North-American Historiography of the Peasant Land Market», dans Le marché de la terre au Moyen Age ; Id., «Seigneurie et paysannerie au Moyen Age. Un retrait de l’historiographie américaine», Histoire et sociétés rurales, 14 (2000), p. 153-168. Sur le maintien et l’évolution de l’intérêt des Britanniques pour les diverses facettes de l’histoire de la propriété, W. Davies et P. Fouracre (éd.), Property and Power in the Early Middle Ages, Cambridge, 1995. 
27The Peasant Land Market in England, éd. P.D.A. Harvey, Oxford, 1984 ; Land, Kinship and Life-Cycle, éd. R.M. Smith, Cambridge, 1984. Le colloque Land, Kinship and Life-Cycle s’est en fait tenu en 1975, et les textes de The Peasant Landmarket… reposent également sur des recherches bien antérieures : cf. C. Dyer, « The peasant landmarket …». 
28 Mise au point récente : L. Feller, « Statut de la terre et statut des personnes… ».
29 La première vente de terre relevée en Toscane remonte à 720 ; la première dont l’auteur soit certainement un paysan, à 730 : C. Wickham, « Vendite di terre e mercato della terra in Toscana nel secolo XI », Quaderni Storici, 65 (1987), p. 355-378, à la p. 358. Le terminus a quo est vraisemblablement du même ordre pour l’Italie du Nord. La liberté générale de la propriété et de la vente des terres dans l’Italie du haut Moyen Age est parfaitement exposée par Wickham dans ce passage. Voir aussi F. Bougard, «Actes privés et transferts patrimoniaux en Italie centro-septentrionale (VIIIe-Xe siècle)», dans Les transferts patrimoniaux…, p. 539-562.
30 La recherche ultérieure a révélé les nuances régionales : le marché de la terre est plus développé dans l’Angleterre de l’Est, plus précocement ouverte sur les échanges que celle de l’Ouest. Voir en dernier lieu M. Müller, « Seigneurial Control and the Peasant Landmarket in the 14th Century : a Comparative Approach », dans Le marché de la terre au Moyen Age.
31 Faute de pouvoir citer en détail les travaux sur cette question, je renvoie à C. Dyer, « The peasant landmarket… ». 
32 Je me permets de renvoyer en dernier lieu à J.-L. Gaulin et F. Menant, « Crédit rural… » et à F. Menant, « Genèse d’un ”petit peuple” : la paysannerie lombarde à l’époque des communes (XIIe-XIIIe siècles) », dans les actes du colloque Le petit peuple dans l’Occident médiéval (Montréal, octobre 1999), sous presse. Ces deux articles montrent combien l’idée de la concentration foncière est encore prégnante ; la seule étude qui ait présenté une vue délibérément différente, en s’inspirant du modèle anglo-saxon et en se plaçant hors de l’influence citadine, est celle de C. Wickham, « Vendite di terre ... ». On peut aussi rappeler le schéma radicalement différent proposé par L. Feller, Les Abruzzes médiévales…, pour une période antérieure et pour un milieu plus éloigné encore de la ville que la « Toscane profonde » de Wickham. Ce dernier a également abordé la question des transactions foncières dans ses recherches sur les Abruzzes, en les plaçant sous l’influence prédominante des relations sociales : C. Wickham, The Mountains and the City. The Tuscan Appennines in the Early Middle Ages, Oxford, 1988. Pour l’arrière-plan idéologique du « triomphe de la bourgeoisie » qui inspire plus ou moins consciemment les études fondées sur la concentration foncière par les citadins, on peut toujours voir Ph. Jones, « Economia e società nell’Italia medievale : la leggenda della borghesia », dans Storia d’Italia Einaudi. Annali, 1, Turin, 1978, p. 185-373 (rééd. dans Id., Economia e società nell'Italia medievale, Turin, 1979), qui a été bien discuté mais reste stimulant. Voir les revues historiographiques de S. Carocci et F. Menant dans Le marché de la terre au Moyen Age.
33 Discussions de ce processus : The Brenner Debate, T.H. Aston et C.H.E. Philpin éd., Cambridge 1985 ; G. Bois, La grande dépression médiévale : XIVe et XVe siècles. Le précédent d’une crise systémique, Paris, 2000. 
34 A.V. Chayanov, The Theory of Peasant Economy, éd. D. Thorner, B. Kerblay et R.E.F. Smith, The American Economic Association, Homewood (Illinois), 1966. L’essai principal de Chayanov, qui donne son titre au recueil, a paru en russe en 1925. Une édition plus ambitieuse a été préparée ensuite par B. Kerblay (Œuvres choisies, La Haye, 1967). 
35 Sur les idées de Chayanov et leur réception par les historiens occidentaux, on peut voir, au sein d’une bibliographie désormais abondante : D. Thorner, « L’économie paysanne : concept pour l’histoire économique ? », Annales ESC, 1964, p. 417-432 (et une version anglaise dans T. Shanin, éd., Peasants and Peasant Societies, Harmondsworth, 1971, p. 208 et suiv.) ; Id., « Une théorie néo-populiste de l’économie paysanne : l’école de A. V. Cajanov », Annales ESC, XXX (1966), p. 1232-1244 (traduction de sa postface à l’édition américaine) ; et la postface de B. Kerblay à l’édition française (ci-dessous), avec les références bibliographiques p. 34. Je n’ai pas pu consulter E. P. Durrenberger (éd.), Chayanov, Peasants and Economic Anthropology, New York, 1984. Les actes de la rencontre sur la réception de Chayanov, qui s’était tenue à l’EHESS en juillet 1988 et devaient paraître sous le titre Chayanov revisited, n’ont jamais été publiés ; je dois à Evelyne Patlagean d’avoir pu prendre connaissance de quelques fragments de ce projet, en particulier sa propre contribution, « Chayanov à Byzance », et celle de M. Aymard, « Les marchés en plus : la réaction de l’historien moderniste ». 
36 Le nom est souvent orthographié Tchayanov, parfois Çayanov ou Cayanov. 
37 La liste des auteurs occidentaux qui ont cité Chayanov entre 1928 et 1960, dressée par B. Kerblay (dans A. Chayanov, The Theory of Peasant Economy, p. XXV), s’élève à douze noms seulement –dont Postan.
38 Bibliographie dressée par B. Kerblay, ibidem, avec les cotes de ces ouvrages dans quelques grandes bibliothèques occidentales : ils y sont bien peu diffusés. 
39 P. Gatrell, « Studies of Medieval English Society in a Russian Context », Past and Present, XCVI (1982), p. 22-50. 
40 A.V. Tchayanov, L’organisation de l’économie paysanne, Paris, 1990.
41 A, au moins, une exception près : E. Patlagean, «“Economie paysanne” et “féodalité byzantine”», Annales ESC, 1975, p. 1371-1396 ; rééd. dans Ead., Structures sociales, famille, chrétienté à Byzance, IVe-XIe siècle, Londres, 1981, article III. Voir aussi D. Herlihy et C. Klapisch, Les Toscans et leurs familles. Une étude du catasto florentin de 1427, Paris, 1978, p. 491-512.
42 P. Vilar, « Reflexiones sobre la noción de “economía campesina “ », dans G. Anes (ed.), La economía agraria en la historia de España. Propiedad, explotación, comercialización, rentas, Madrid, 1979, pp. 351-386.
43 D’où le recours de Postan et d’une partie de l’école anglaise au schéma chayanovien : la transmission des terres par les paysans, que révélaient les Carte nativorum, permettait de l’appliquer aux données anglaises. 
44 Principalement dans l’essai L’économie non capitaliste, qui fait partie des éditions des œuvres de Chayanov dans les différentes langues.
45 Avec deux variantes : économie familiale « naturelle », c’est-à-dire autarcique, et « marchande», c’est-à-dire avec accès au marché ; cette deuxième version facilite sensiblement l’adaptation du chayanovisme à l’Occident des derniers siècles du Moyen Age.
46 La référence à Chayanov conforte également la tendance «optimiste» d’une partie de l’école anglo-saxonne et canadienne, qui considère les paysans comme des entrepreneurs autonomes, échappant à la pression seigneuriale ; cf. P. Freedman, « Seigneurie et paysannerie… », p. 158. BR>47 Par ex. dans «La transformación de la tierra en mercancia : el caso piamontés (1680-1717)», Hispania, LV, n° 191 (1995), p. 821-844. 
48 M. Aymard, « Autoconsommation et marchés : Chayanov, Labrousse ou Le Roy Ladurie ? », AESC, 1983, p. 1392-1409.
49 G. Béaur, Le marché foncier à la veille de la Révolution, Paris, 1984 ; Id., « Investissement foncier, épargne et cycle de vie dans le pays chartrain au XVIIIe siècle », Histoire et mesure, VI (1991), p. 275-289.
50 Voir ci-dessus. 
51 Trad. franç. Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, 1989. 
52 Rome, 1985. 
53Les Britanniques et «l’école de Toronto» ont aussi d’une certaine façon fait de la micro-histoire avant la lettre en analysant minutieusement les relations entre villageois.
54 K. Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, 1983 (éd. américaine 1944).
55 A travers surtout Trade and Market in the Early Empires. Economies in History and Theory, éd. K. Polanyi, C. M. Arensberg et H. W. Pearson, New York, 1957 (trad. franç. : Les systèmes économiques dans l’histoire et dans la théorie, Paris, 1975).
56 B. Rosenwein, To be the Neighbor of Saint Peter : the Social Meaning of Cluny’s Property, 909-1049, Ithaca-Londres, 1989. Voir aussi S. D. White, Custom, kinship and gifts to saints : the « Laudatio parentum » in Western France, 1050-1150, Chapel Hill, 1988.
57 Sur tout ceci, F. Weber, « Le marché de la terre… » (qui parle de « séquence de transactions », dans une acception très proche de la « chaîne de transactions » de Levi). 
58 Cf. n. 29.
59 De P.D.A. Harvey et Z. Razi. 
60 T. F. Ruiz, « La formazione del mercato della terra nella Castiglia del basso medioevo », p. 423-452, repris et augmenté dans Id., Crisis and Continuity, Land and Town in Late Medieval Castile, Philadelphie, 1994. L’article de Ruiz et son livre sont en fait parmi les très rares travaux américains à s’intéresser au marché de la terre pour lui-même, cf. P. Freedman, « North-American Historiography…». 
61 S. Carocci, « Il mercato della terra in Italia centrale e settentrionale, 1180-1350 ».
62J.-C. Maire Vigueur, «Capital économique et capital symbolique. Les contradictions de la société romaine à la fin du Moyen Age», dans Gli atti privati nel tardo medioevo : fonti per la storia sociale, éd. P. Brezzi et E. Lee, Rome 1984, p. 213-224.
63 L. Feller, Les Abruzzes médiévales… ; Id., « Achats de terres, politiques matrimoniales et liens de clientèle en Italie centro-méridionale dans la seconde moitié du IXe siècle », dans Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Etudes offertes à Robert Fossier, p. 425-439 (première interprétation d’un dossier que Feller a ensuite relu avec A. Gramain et F. Weber dans Le marché de la terre au Moyen Age).
64 Voir ci-dessus. 
65 Il faudrait aussi évaluer quelle a pu être l’influence dans cet intérêt de la traduction –toujours sous l’impulsion de l’EHESS- du livre de W. Kula, Théorie économique du système féodal. Pour un modèle de l’économie polonaise, 16e-18e siècles, Paris, 1970. 
66 M. Aymard, « Autoconsommation et marchés…».
67 Voir ci-dessus. 
68 En dernier lieu : G. Postel-Vinay, La terre et l’argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début du XXe siècle, Paris, 1998 ; P. T. Hoffman, G. Postel Vinay et J.-L. Rosenthal, Priceless Markets. The Political Economy of Credit in Paris, 1660-1870, Chicago, 2000.
69 Voir déjà G. Levi, « El mercat de la terra. Anglaterra, América colonial, India i un poble del Piamont en el segle XVII », dans L’espai viscut. Col-loqui international d’historia local, Valence, 1989, p. 225-258.
70Faute de pouvoir citer tous ces travaux, je dois me contenter de renvoyer à C. Laliena, « Le marché de la terre en Espagne au bas Moyen Age » et L. To Figueras, « L’historiographie du marché de la terre en Catalogne », dans Le marché de la terre au Moyen Age
71 Comme d’ailleurs deux Angleterres, deux Toscanes…
72 Pour les sources et l’évolution catalanes, dès avant l’an mil, voir ci-dessus. 
73 Avec des issues d’ailleurs opposées en Valencien (pulvérisation des propriétés paysannes) et en Andalousie (concentration par les grands seigneurs : les paysans sont vignerons sur des propriétés minuscules, et salariés agricoles).
74 Voir n. 1. 

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