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Sans que cela soit un sujet d'étonnement,
le marché de la terre aux XIe-XIVe siècles n'a pas fait l'objet
d'une réflexion particulière chez les médiévistes
qui ont œuvré sur la France du Nord et de l'Est au sens large (Île-de-France,
Picardie, Champagne et même Lorraine), ou sur la Belgique. Cette
lacune touche autant les études régionales et locales (notamment
les classiques thèses de doctorat) que les essais de synthèse
d'histoire sociale et économique - ce qui pour le coup est logique,
vu l'absence de données utiles pour les mener à bien. On
s'est longtemps tourné de préférence vers le " marché
aristocratique " et la circulation des terres entre chevalerie/noblesse
et églises ; ou vers le strict encadrement juridique des ventes
(vocabulaire, clauses de garantie, droits des parties), qu'il soit nourri
ou non des exemples de la pratique1.
Sur cette zone, Gérard Sivéry est l'un des rares historiens
à tenter une comparaison des prix de la terre - qui n'est qu'un
des aspects de la question - et à l'intégrer dans un travail
plus vaste sur l'économie française du XIIIe siècle
; il est ainsi conduit à interpréter les évolutions
de ces prix de façon moins sommaire qu'à l'accoutumée.
Compte tenu de ce déficit historiographique,
le plus efficace me semble être de voir comment les historiens raccrochent
leur propos sur le marché foncier à leur problématique
générale, et à quelle étape de leur réflexion.
Connaître de plus près le modèle explicatif de l'évolution
socio-économique sur lequel débouche leur travail permettra
de repérer les limites méthodologiques des études
à notre disposition et de dégager les axes possibles d'une
recherche future. J'aborderai donc tour à tour les thèmes
de la démographie et des défrichements, de l'évolution
globale des prix (terres, grains, salaires), des relations villes-campagnes,
et du contrôle juridico-social des transactions foncières.
Le marché foncier
comme argument démographique
L'utilisation du marché foncier comme
révélateur des fluctuations démographiques est la
plus courante dans les thèses des années 1960-1980. Cet argument
est le plus fréquemment invoqué à propos de la " dégradation
de la conjoncture ". C'est-à-dire que l'augmentation constatée
du nombre des ventes foncières rurales est considérée
comme due au manque de terres arables, lié lui-même à
la pression démographique croissante, du XIIIe siècle le
plus souvent.
Les campagnes de la
région de Verdun
Pour prendre un premier exemple, celui du Verdunois,
il est symptomatique de voir la question de la vente foncière rurale,
entre 1250 et 1350, intervenir au moment d'aborder ce fameux " renversement
de la conjoncture "2.Vers
1240, Alain Girardot constate des signes de surpeuplement, tels que la
vente de rentes et de terres par des chevaliers et des paysans ; il met
ce phénomène en parallèle avec la surcharge pastorale,
qui, dès 1230, provoque des querelles de vaîne pature ou de
droits d'usages forestiers. La méthode employée a consisté
à dresser des tableaux récapitulatifs des ventes foncières
année après année, et des nombres de vendeurs triés
par catégorie sociale. Les périodes de " difficultés
" de la paysannerie sont donc repérées par les pointes de
ventes, qui semblent souvent liées à des remboursements de
dettes ou des engagements : ainsi en 1267-1272 (10 à 18 ventes par
an), en 1298-1302 (10 à 12 par an), et en 1315-1317 (13 à
29 par an), alors que la moyenne annuelle est proche de 7 entre 1250 et
1299, et proche de 6 dans le demi-siècle suivant. Mais, sans remettre
en cause ces poussées de fièvre qu'on retrouve bien en 1260-1269
(87 ventes) et 1310-1319 (95 ventes), la présentation par décennie
montre plutôt une relative stabilité du nombre des ventes
sur le moyen terme, qu'on aimerait bien rapporter à l'évolution
des chiffres de la documentation elle-même pour mesurer leur impact
global : les ventes représentent-elles une plus ou moins grande
proportion au fur et à mesure du temps ?
|
1250-1259 |
1260-1269 |
1270-1279 |
1280-1289 |
1290-1299 |
1250-1299 |
Nombre de ventes |
61 |
87 |
68 |
54 |
67 |
337 |
|
1300-1309 |
1310-1319 |
1320-1329 |
1330-1339 |
1340-1349 |
1300-1349 |
Nombre de ventes |
54 |
95 |
52 |
58 |
47 |
306 |
Tableau
1
Les
ventes foncières rurales en Verdunois entre 1250 et 1350
En outre, le lien monocausal entre les augmentations
sporadiques de ventes (dont on ne connaît d'ailleurs généralement
ni les superficies ni la valeur des terres qu'elles concernent) et la pression
démographique supposée pourrait aussi bien, en certains cas,
être renversé comme une preuve de dynamisme du marché
; d'autant que le mouvement de vente considéré comme révélateur
de la pression démographique dure un siècle continûment
(de 1240 à 1350). Les mêmes effets ont bien pu avoir des causes
différentes sur une si longue période...
La Picardie
C'est le même point de départ qui
a servi à Robert Fossier dans sa thèse sur la Picardie, mais
qu'il a élargi aux prix des terres. Toujours dans un chapitre consacré
à la dégradation économique, plus précisément
à " l'ébranlement des fortunes " entre 1150 et 1300, l'auteur
insiste sur l'ampleur nouvelle de la vente foncière au XIIIe siècle3.
Il remarque en effet un pic de ventes entre 1225 et 1275 (un mouvement
plus court cette fois), 100 pour le quart de siècle avant 1250,
et 130 pour le quart suivant, au lieu de 40 pour les premier et dernier
quarts du XIIIe siècle ; mais ce ne sont que des chiffres absolus,
qui mériteraient encore d'être relativisés par rapport
à la documentation totale. Confrontée à la courbe
des prix moyens des terres, cette tendance confirmerait la datation vers
1220 du moment culminant de la poussée démographique. Jusque-là
celle-ci n'avait pas provoqué un " renchérissement abusif
du sol arable ", les espaces boisés permettant assez de gains de
cultures pour que l'essart vaille le même prix que le champ arable
(5 livres le journal - estimé à 40 ares environ - avant 1220-1225).
Par la suite, parallèlement à l'augmentation du nombre des
ventes, Robert Fossier assiste à une hausse continue des prix, surtout
des bons sols avant 1250 (de 4 à 7 livres le journal), puis de l'ensemble
des terrains après 1250 (aucune terre n'est inférieure à
4 livres le journal après 1270) ; l'uniformisation des prix est
atteinte vers 1300 (entre 6 et 10 livres le journal). La courbe des prix
du marché s'expliquerait alors par la stagnation des défrichements,
poussés à leur maximum vers 1250.
Cependant l'historien de la Picardie relativise
cette hausse (de 2 à 7 livres parisis le journal), par rapport à
celle des prix du bétail et des grains (multipliés par 5
ou plus), ou bien celle des salaires et des frais de gestion. Il attribue
cette médiocrité de la hausse à " un équilibre
relatif entre la pression démographique et les disponibilités
en terres vierges ", que traduit notamment la stabilité du prix
du journal de bois.
Les campagnes du Chartrain
Pour le Chartrain, André Chédeville
voit également l'évolution du marché foncier comme
" un élément précieux de mesure du degré de
saturation démographique des campagnes "4.
Il considère comme reconnue la valeur du critère qui établit
qu'en raison du jeu de l'offre et de la demande, une montée du prix
de la terre signifie que celle-ci devient plus rare. Il dresse donc une
répartition par tranches chronologiques du nombre de contrats de
vente utilisables - c'est-à-dire fournissant des prix et des superficies
des terres -, et conclut à une mobilité croissante des biens
fonciers à partir de 1240, puis à un tassement en fin de
siècle.
Cependant, si, au-delà de l'observation
des chiffres absolus, l'on rapporte le nombre de ces contrats au nombre
d'actes conservés, on constate plutôt une augmentation constante
des ventes, dont le pourcentage passe de 1,5 % à 8 % à la
fin du XIIIe siècle (cf. tableau 2), et qu'il resterait à
expliquer. Sur le plan des prix, il note un tassement de la hausse après
1270, mais on a, semble-t-il, les prix d'un marché purement ecclésiastique
(André Chédeville parle lui-même de " prix de faveur
") : que reflète-t-il précisément ? La conclusion
de l'auteur est que la hausse globale est peu marquée (mais dans
un marché de plus en plus dynamique, nous venons de le voir) et
que " même dans les régions les plus peuplées, l'appétit
de terres demeura toujours modéré ".
|
Nombre de contrats de ventes |
% du nombre d'actes conservés |
Prix moyen du setier de terre |
1200-1240 |
35 |
1,5
% |
2 livres
13 sous |
1240-1270 |
78 |
6 % |
4 livres
2 sous |
1270-1300 |
60 |
8 % |
3 livres
14 sous |
Tableau
2
Les
ventes foncières en Chartrain5
Un regard sur la Belgique
Ce triptyque français est à rapprocher
de l'historiographie belge, qui suit des orientations comparables. Adriaan
Verhulst, par exemple, insiste sur l'augmentation constante du nombre de
petits paysans vivant au seuil de la subsistance durant le XIIIe siècle
et sur la diminution parallèle de la superficie moyenne des exploitations
paysannes. Il évoque alors l'hypothèse d'une flambée
des prix agricoles et des prix des terres pour le comté de Flandre
entre 1215/1220 et 1250, à la suite d'une nouvelle vague de croissance
démographique, mais sous bénéfice d'inventaire, faute
de preuves solides6.
Si Léopold Génicot met en avant,
lui aussi, la démographie dans la mobilité foncière
des campagnes du Namurois, c'est à l'inverse pour justifier une
offre de terres plus forte au bas Moyen Âge qu'au XIIIe siècle,
due à la baisse de la natalité et à l'accumulation
des fléaux (à l'instar des disettes du XIe siècle)
; ce qui provoque une rotation plus rapide des détenteurs des tenures7.
Les sources d'information sur le marché foncier des paysans sont
rares avant 1350 dans le comté de Namur, mais la vision de Génicot
est pessimiste quant à l'accessibilité de ce marché
foncier par les " plus démunis " des paysans (soit la majorité)
: pour lui, sont en cause autant leur manque de liquidités que l'insuffisance
du cheptel mort et du cheptel vif, ou de la force de travail qui leur seraient
nécessaires pour cultiver des terres supplémentaires au-delà
d'un seuil de 4 à 6 ha8.
L'interprétation
des prix du marché foncier
Une autre approche des ventes foncières
consiste à les replacer au sein du plus large mouvement des prix
et à comprendre leurs interactions. Dans son étude globale
de l'économie capétienne, Gérard Sivéry montre
ainsi que le mouvement de hausse des prix de la terre n'est pas si général
qu'on veut le dire9. À
Brie-Comte-Robert, l'arpent atteindrait son plus haut niveau en 1234 (19
livres) pour chuter de moitié et rester tout au long du XIIIe siècle
à des niveaux bien inférieurs, entre 7 et 11 livres. Signe
qu'il y a, en Brie, plus de terres disponibles qu'ailleurs pour de nouvelles
mises en culture.
Les grands traits de l'évolution seraient
les suivants pour la région parisienne, la Picardie et la Normandie.
La hausse des prix de la terre, qui atteint son maximum vers 1260, est
quasi générale, tant que des possibilités de défrichement
existent. Puis se produit un tassement pour les meilleures terres, une
hausse subsistant pour les terres moyennes et médiocres, car, s'il
y a arrêt des défrichements, les sols mieux travaillés
n'en produisent pas moins davantage, et l'on recherche donc des terres
moyennes à améliorer. En outre, les cours des grains sont
fortement heurtés ; leur instabilité ne récompense
donc pas toujours une terre très productive, d'où l'affaiblissement
de la valeur des meilleurs champs. Au contraire, il faut " profiter des
hauts cours attachés à la faible production des mauvaises
années " ; dans ce cas, " la culture d'un grand nombre de champs
achetés à moindre coût devient alors de meilleur profit
qu'une exploitation réduite à celle de ses meilleures terres
". Ce processus a deux conséquences essentielles. Le prix des nouveaux
terrains défrichés, et souvent médiocres au départ,
a tendance à s'aligner sur celui des bons sols limoneux du fait
de leur amélioration. Cette concurrence pour l'achat de terres moyennes
et médiocres est surtout perceptible à proximité des
grands centres de consommation septentrionaux.
Finalement, Gérard Sivéry fait
remarquer qu'il y a une grande distorsion entre les cours des grains -
dont la tendance haussière, entrecoupée de brusques baisses,
est nette à l'époque qui nous retient - et ceux de la terre,
dont le marché n'est pas soumis à une aussi forte pression
de l'offre et de la demande. La terre deviendrait en outre de moins en
moins la principale source de richesse et de revenus. Des ruraux de tout
rang investissent dans le commerce des villes de Flandre, celui des foires
(de Champagne notamment), et retirent autant de capitaux du circuit foncier.
La terre finit par être une valeur refuge contre la dépréciation
de la monnaie, une valeur de prestige et de sécurité.
L'intérêt d'une telle étude,
restreinte ici de façon drastique à ses conclusions, est
de prendre en compte toutes les séries de prix disponibles et de
déconnecter le marché foncier des cours des grains et des
fluctuations des salaires, pour tenter une interprétation moins
simplifiée qu'à l'habitude, même si on peut regretter
qu'elle demeure purement économique.
Les rapports villes-campagnes
L'exemple belge
Pour revenir vers la Belgique, abordée
rapidement plus haut, voyons comment certains éléments émergents
du marché de la terre sont évoqués à propos
des relations entre les centres urbains et les campagnes environnantes.
C'est un sujet primordial en Flandre, évidemment, où l'on
estime à près de 40 % la population urbaine dans la première
moitié du XIVe siècle, et où le surplus dégagé
par la croissance de la production céréalière et de
la productivité du sol serait dirigé principalement vers
les villes.
Les historiens belges considèrent que
la principale influence de l'urbanisation sur les campagnes du XIIIe siècle
- en Flandre et Brabant, dans les pays liégeois et mosan - tient
à la mobilité accrue de la propriété foncière,
due en partie aux investissements en biens fonciers de la part des bourgeois
des villes. Ici encore, c'est l'augmentation des transactions foncières
(ventes, achats, échanges de parcelles ou d'immeubles) qui traduirait
cette mobilité. Dans cette optique, l'augmentation des ventes devient
un fait positif, un symbole de dynamisme urbain, aux conséquences
négatives néanmoins pour la paysannerie, du fait de la diminution
de la superficie moyenne des exploitations paysannes (2 à 3 ha).
Le type de documents qui est à la base
de ces analyses est bien incarné par le registre des transactions
immobilières de Saint-Bavon de Gand, pour les années 1210-1239.
La première partie de ce document seigneurial exceptionnel énumère
les transactions passées entre tenanciers de l'établissement,
ou entre eux et le monastère, au sein de la seigneurie de Saint-Bavon
(au nord-est de Gand). Cette source devrait son existence à la multiplication
des transferts immobiliers, et à la volonté qu'aurait eue
Saint-Bavon d'enregistrer le phénomène. Entre 1212 et 1239,
ce sont 237 ventes qui passent devant la cour de justice de la seigneurie
monastique, soit 9 opérations par an, mais sans qu'on sache l'importance
de la transaction (valeur, superficie). Pour Léopold Génicot,
c'est inévitablement " le voisinage d'une grande ville qui stimulait
le commerce des immeubles " : " à proximité d'un gros marché
(urbain), l'argent était plus abondant dans l'escarcelle des paysans
"10. Comme on n'a identifié
dans ce registre aucun des patriciens gantois ou des citadins connus à
l'époque, la masse des acquéreurs reste encore anonyme pour
les historiens ; à peine peut-on isoler 2 fèvres, 1 tisserand
ou 1 chevalier... Il semble donc que la majorité des acheteurs aient
été des ruraux, ce qui devrait constituer une incitation
puissante à revenir voir de plus près aujourd'hui ce genre
de source et les campagnes flamandes.
Le cas du Rémois
Reims constituera un autre exemple, peut-être
plus probant, de l'influence urbaine sur l'évolution de la propriété
rurale. Une " prisée " des terres de banlieue effectuée en
1328 permet à Pierre Desportes de relever les divers prix du sol
et de constater leurs grandes variations spatiales : entre 2 et 20 livres
parisis le " jour " (50,7 ares) de terre dans un rayon de 10 km autour
de la ville, alors que les prix sont stables, aux environs de 5 livres,
à partir de 30 km de distance de Reims11.
Les parcelles situées près de la cité, à portée
de vue des remparts, et cultivables à l'aide d'un salariat abondant
valent deux à trois fois plus cher que celles du plat pays, avec
un prix moyen de 16 livres. L'enchérissement de ces terrains de
banlieue est visible tout au long du XIIIe siècle : 10 livres rémoises
le jour de terre en 1239, 18 livres parisis déjà en 1266,
et jusqu'à 20 livres parisis en 1305. Il est dû essentiellement
à un facteur d'ordre psychologique qui fait monter le prix du sol
aux environs de Reims, le désir d'acquérir des terres de
banlieue étant caractéristique des familles patriciennes
: leur souhait de considération sociale entraîne la concurrence
et fait dépasser à la terre sa valeur réelle ou légitime.
Compte tenu de l'existence d'un fort réseau
de villes moyennes dans l'espace allant de l'Île-de-France à
la Flandre, qui demeure fort méconnu sur un plan économique,
la lumière est par conséquent loin d'être faite sur
les inter-relations entre espace urbain et plat pays, du point de vue de
leur implication respective dans les fluctuations du marché foncier.
Marché des tenures
et contrôle seigneurial
Si l'on manque d'études s'attaquant en
profondeur au marché villageois et aux transactions paysannes, la
réalité d'un mouvement de transfert des tenures, en tout
ou en partie, est bien attesté pour l'ensemble de la zone, et précocement.
Que cela soit confirmé par des chartes de coutumes seigneuriales
ou des textes à vocation plus économique ou gestionnaire
(polyptyques et censiers), la permanence de ce contrôle - et donc
du processus de vente - est un fait acquis. On en aura pour preuve une
charte de confirmation des possessions de l'abbaye de Marchiennes par le
comte de Flandre en 1046, qui se termine par une clause spécifiant
" qu'il n'est pas permis aux hôtes et aux intendants de sainte Rictrude
de se donner entre eux leurs terres, de se les vendre, les acheter ou donner
en gage sans l'accord de l'église "12.
Quant au polyptyque censier de Marchiennes, daté de 1120, il rappelle
les droits d'entrée et de succession pour telles localités
de l'Artois : la vente des terres est taxée d'un douzième
(1 denier pour 1 sou), les maisons sont imposées d'un droit fixe
d'entrée et de sortie équivalent (4 deniers), tandis que
le relief ou droit de succession reste arbitraire13.
Deux siècles plus tard encore, l'exploitation de Bonnières
(une " cour " de l'abbaye d'Anchin gérée par Thierry d'Hireçon)
rapporte 700 livres de revenu en 1311, dont 100 de " droitures ", ou taxes
liées aux droits de mutation. Elles semblent arbitraires, comme
le rèvèle la variété des taux : l'achat d'un
" manoir " coûte alors de 18 à 82 sous, et même 10 livres
" à la volonté de monseigneur "14.
En Hainaut, non loin de là, les héritages
sont eux aussi aliénables à titre onéreux, à
en croire les premières chartes lois du XIIe siècle. Néanmoins,
des limitations de la faculté de vendre surviennent selon la qualité
de l'acquéreur : la charte-loi d'Elesmes (1280) interdit par exemple
aux vilains de vendre à un chevalier, à une église
ou à un " bourgeois " d'une autre franchise, pour sauvegarder les
intérêts du seigneur ; les lois de Favril (1174) et d'Esnes
(1193) réservent aussi aux " bourgeois " du crû l'acquisition
des terres mises en vente, avec à Esnes, un decrescendo de possibilités
de ventes : on vend d'abord à son parent, puis au seigneur, puis
à quelqu'un relevant de la même seigneurie dans le village
; tandis que la loi de Prisches écarte les églises au profit
du vicinus du vendeur. On se dirige vers le " retrait de voisinage,
caractéristique des XIVe-XVe siècles, qui fonctionne avec
un délai de 7 à 15 jours pour se substituer aux étrangers
acquéreurs après la vente, et offre préalable au seigneur15.
Pour ce qui est des taux de mutation, dans la seconde moitié du
XIIe siècle, seules les ventes de maisons sont stipulées,
avec des clauses rédibitoires pour les ventes en dehors de la villa
: le règlement de mairie de Busigny (1202) indique que la moitié
du prix de vente d'une maison va au seigneur ! Lorsqu'au XIIIe siècle,
on a des cas de terres, tenures et courtils, les droits sont partagés
par le vendeur et l'acheteur, que ce soit pour une maison (4 deniers chacun
à Favril en 1174 ; 12 deniers à Vicq en 1238), ou pour une
terre : taux proportionnel à la surface à Esnes en 1193 (6
deniers chacun par mencaudée) ou à Onnaing en 1248 (3 sous
par huitelée chacun), ou droit fixe ensuite à Onnaing en
1286 (4 sous chacun)16.
Avec parfois des redevances à payer au maire ou aux échevins
de la seigneurie (Cuesmes en 1201 et Vicq en 1238), comme on l'a vu déjà
à Marchiennes en 1046 !
Les chartes de coutumes picardes s'avèrent
très riches à ce sujet, évoquant en détail
la vente des tenures et prévoyant le transfert des redevances afférentes.
Les exemples, tirés des ces textes normatifs, débutent au
milieu du XIIe siècle, avec un alignement de la taxe principale
due par l'acheteur sur celle due par l'héritier, et en outre un
pourcentage (1/12e) à payer à l'agent seigneurial (cas d'Oppy
en 1162)17. Quant à
l'Ile-de-France, dès le XIIe siècle, le tenancier a l'entière
liberté de disposition de sa censive - notamment l'aliénabilité
en tout ou partie des terres tenues du seigneur -, de son vivant ou post
mortem18. Le seigneur
perçoit seulement une taxe de saisine sur l'acquéreur, droit
fixe de 12 deniers, auquel s'ajoute, en cas de mutation à titre
onéreux, le droit de lods et ventes, équivalent à
1/12e du prix de vente (au XIIIe siècle en tout cas).
Dans les cas extrêmes de seigneuries ecclésiastiques
contraignantes, comme celle des évêques de Verdun, le principe
est posé au contraire de l'inaliénabilité des parcelles
: aucun paysan ne peut aliéner ni obliger sa tenure, sinon à
l'évêque ou à l'un de ses sujets (ce qui dessine une
aire de transmission possible mais fermée), ce qui a pour conséquence
la limitation des échanges avec la ville19.
De façon très parallèle, la loi de Beaumont-en-Argonne
(dont on connaît le large rayonnement) et d'autres franchises appliquées
en Verdunois excluent les " forains " du marché foncier, un immeuble
d'une localité régie avec cette charte de " franchises "
ne pouvant appartenir qu'à un habitant du lieu : nouvelle interdiction
des investissements fonciers aux non-résidents. Le durcissement
des cas de " forfuyance " est sensible dans la seconde moitié du
XIIIe siècle, car lorsqu'un habitant quitte la localité (par
exemple les nouveaux " bourgeois " urbains quittant leur village d'origine),
il est tenu de vendre ses immeubles à un voisin, dans un délai
d'un an en général, sous peine de saisie et même de
confiscation à la fin du siècle20.
C'est une forte limite mise à la reconversion des capitaux urbains
dans le plat-pays entre 1250 et 1350. Ainsi, là où on peut
librement quitter une localité, il faut vendre à quelqu'un
du lieu : à la liberté personnelle, correspond donc un blocage
immobilier.
De ce point de vue, une révision des accords
d'avouerie, des règlements de coutumes et des chartes dites " de
franchise " est nécessaire pour disposer d'une chronologie et d'une
géographie claires de ces restrictions aux mutations foncières,
ainsi que de la physionomie générale de leurs taux à
laquelle on doit restituer sa cohérence. Le fonctionnement interne
et les objectifs de ce contrôle, qui associe souvent l'élite
villageoise (tels les échevins de la France du Nord), le seigneur
et ses agents, méritent aussi une réappréciation afin
de replacer l'étude du marché foncier dans son contexte social21.
Les pistes de travail
Si l'examen du vocabulaire utilisé pour
dénommer les opérations du marché (donatio, venditio,
guerpitio, concambium, mercatum, etc.) reste un point faible à l'échelon
global, et gagnerait à être décortiqué pour
mieux comprendre les engagements juridiques et mentaux qui les accompagnent22,
il ne fait pas de doute que le contrôle seigneurial des ventes foncières
est bien attesté par les études existantes : précoce,
dès que la documentation est un peu riche (Marchiennes et l'Artois
au XIe siècle), et permanent du XIIe siècle à la fin
de la période. On hésite seulement entre des taxes fixes
ou arbitraires (sans doute plutôt pour les successions, comme en
Artois), et une véritable géographie, seigneurie par seigneurie,
pays par pays, reste à faire, pour comprendre les migrations, les
flux de ventes successifs dans tel ou tel secteur.
On est plus mal outillé pour ce qui est
du contrôle familial : c'est une lacune des recherches sur la paysannerie
française, alors que les solidarités économiques du
lignage aristocratique en matière de contrôle des terres ont
été abordées depuis Bloch. Un examen des conséquences
du droit successoral sur le marché foncier, qui s'appuierait sur
la reconstruction des patrimoines familiaux paysans à l'échelle
locale, manque cruellement. Souvent étudié pour lui-même,
ce cadre juridique, qui paraît bien connu à première
vue aurait besoin d'être confronté davantage à la réalité
du terrain, comme a pu le faire Robert Jacob pour l'extrême nord
de la zone23.
Mais c'est la pauvreté problématique
du raccrochage de l'histoire des ventes aux autres tendances économiques
ou sociales qui est la plus cruelle. Se contenter d'un comptage des ventes
(et on n'ose imaginer la variété des transactions qui se
cache derrière cette appellation générique), mettre
en rapport hausses et baisses avec des phénomènes aussi complexes
que l'évolution démographique, l'essor des cultures céréalières
ou le recul des friches, ou les prix céréaliers, relèvent
de la gageure. Même l'influence des sociétés et des
économies urbaines sur les campagnes environnantes apparaît
très floue. Que des freins juridiques soient mis à la double
possession urbaine et rurale par la mise à l'écart des "
étrangers " ou des migrants, on le comprend bien ; mais le manque
d'études prosopographiques sur les ruraux enrichis et les familles
citadines du XIIIe siècle empêche de suivre les trajectoires
familiales et patrimoniales. Seul, sans doute, le réexamen de la
qualité des vendeurs et des acheteurs de ces centaines de transactions
foncières (pensons à Saint-Georges d'Hesdin et son cartulaire
chronique du XIIe siècle qui fournit le prix des transactions, l'identité
des contractants et de leurs fidéjusseurs), avec leurs témoins
revenant d'acte en acte, permettra de voir dans ce marché autre
chose qu'un mécanisme économique unilatéral24.
Enfin, du point de vue de la stratification sociale,
on rappellera que dans cette vaste zone où l'affermage des réserves
seigneuriales, mais aussi la location des terres de petits propriétaires
apparaissent très tôt, point n'est besoin d'être propriétaire
pour dégager des revenus importants et acquérir un statut
social éminent. Le groupe des fermiers ou des " censiers " (comme
on les appelle dans le nord de la France) échappera à cette
histoire du marché de la terre, si celle-ci ne prend pas en compte
également l'exploitation elle-même et la mobilité spatiale
des plus entreprenants25.
Bibliographie
1. BARTHÉLEMY
(Dominique), Les deux âges de la seigneurie banale. Pouvoir et
société dans la terre des sires de Coucy (milieu XIe-milieu
XIIIe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 1984, 599
p. ;
-, La
société dans le comté de Vendôme de l'an mil
au XIVe siècle, Paris, Fayard, 1993, 1118 p.
2. CHÉDEVILLE
(André), Chartres et ses campagnes (XIe-XIIIe siècle),
Klincksieck, 1973 ; rééd. Garnier, 1991, 575 p.
3. DERVILLE
(Alain), " La seigneurie artésienne (850-1350) ", dans Campagnes
médiévales : l'homme et son espace. Études offertes
à Robert Fossier, éd. par Élisabeth Mornet, Paris,
Publications de la Sorbonne, 1995, p. 487-500.
4. DESPORTES
(Pierre), Reims et les Rémois aux XIIIe et XIVe siècles,
Paris, Picard, 1979, 743 p.
5. FONTETTE
(François de), Recherches sur la pratique de la vente immobilière
dans la région parisienne au Moyen Âge (fin Xe-début
XIVe siècle), Paris, Libr. générale de droit et
de jurisprudence, 1957, 132 p.
6. FOSSIER
(Robert), La terre et les hommes en Picardie jusqu'à la fin du
XIIIe siècle, Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1968, 2 vol., 828
p. ;
-, Chartes
de coutume en Picardie (XIe-XIIIe siècle), Paris, Bibliothèque
nationale, 1974, 634 p. (collection de documents inédits sur l'histoire
de France, section de philologie et d'histoire jusqu'à 1610, série
in-8°, vol. 10) ;
-, " Du manse
à la censive : Picardie, IXe-XIIIe siècle ", dans Peasants
and Townsmen in Medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst,
éd. par Jean-Marie Duvosquel et Erik Thoen, Gand, 1995, p. 445-461.
7. FOURQUIN
(Guy), Les campagnes de la région parisienne à la fin
du Moyen Âge (du milieu du XIIIe au début du XVIe siècle,
Paris, PUF, 1964, 590 p.
8. GÉNICOT
(Léopold), L'économie rurale namuroise au bas Moyen Âge
(1199-1429) :
T. I.
La seigneurie foncière, Louvain, 1974, " Centre belge d'histoire
rurale, n° 20 ", réimpr. de l'éd. de 1943, XXXIV-406
p.
T. III. Les
hommes, le commun, Bruxelles-Louvain-la-Neuve, Nauwelaerts-Collège
Erasme, 1982,
" Recueil
de travaux d'histoire et de philologie de l'Université de Louvain,
6e série, fasc. 25 ", XVII-421 p.
GIRARDOT
(Alain), Le Droit et la Terre. Le Verdunois à la fin du Moyen
Âge, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2 t., 1992, 976
p.
JACOB (Robert),
Les
époux, le seigneur et la cité. Coutume et pratiques matrimoniales
des bourgeois et paysans de France du Nord au Moyen Âge, Bruxelles,
Publications des facultés universitaires Saint-Louis, 1990, 468
p.
SIVÉRY
(Gérard), L'économie du royaume de France au siècle
de Saint Louis (vers 1180 - vers 1315), Lille, Presses universitaires
de Lille, 1984, 352 p. (cf. chapitre IV : " L'évolution des frais
de revient et les salaires ").
VERHULST
(Adriaan), Précis d'histoire rurale de la Belgique, Bruxelles,
éditions de l'Université, 1990, 224 p. (avec bibliographie
récapitulative commode).
VERRIEST
(Léo), Le régime seigneurial dans le comté de Hainaut
du XIe siècle à la Révolution, Louvain, 1916-1917,
428 p.
Quelques sources
DELMAIRE (Bernard),
L'histoire-polyptyque
de l'abbaye de Marchiennes (1116/1121) : étude critique et édition,
Louvain-la-Neuve, 1985, " Centre belge d'histoire rurale, 84 ", 178 p.
FOSSIER (Robert),
Cartulaire-chronique
du prieuré Saint-Georges d'Hesdin, Paris, Éditions du
CNRS, 1988, 293 p.
GYSSELING
(Mauritz), et VERHULST (Adriaan), Het oudste goederenregister van de
Sint-Baafsabdij te Gent (Eerste helft XIIIe eeuw), Bruges, 1964, "
Université de Gand, Travaux publiés par la faculté
des Lettres, 132 ", 227 p. :
cf.
Léopold GÉNICOT, " Aspects de la vie rurale aux environs
de Gand dans la première moitié du XIIIe siècle ",
Études rurales, 21, avril-juin 1966, p. 122-124.
PIRENNE (Henri),
Le
Livre de l'abbé Guillaume de Ryckel (1249-1272). Polyptyque et comptes
de l'abbaye de Saint-Trond au milieu du XIIIe siècle, Bruxelles,
1896, 440 p. (rééd. Genève, Megariotis Reprints, 1981).
1.
Un exemple d'étude limitée au droit : FONTETTE, 1957.
2.
Cf. GIRARDOT, 1992, t. 1, livre II : " Une société en crise
", chapitre 1 : " Une conjoncture dégradée, 1230-1348 ",
p. 279-291, avec tableaux correspondants des ventes, p. 271-278.
3.
FOSSIER, 1968, t. II, p. 576-582, surtout p. 577-578, et graphique des
prix de la terre en p. 581. La question est à nouveau abordée
dans FOSSIER, 1995, à propos de la transofrmation des alleux en
censives et de la surcharge démographique.
4.
CHÉDEVILLE, 1973, chapitre II, " La conquête du sol ", p.
150-152 pour la question du marché de la terre.
5.
En Chartrain, la superficie d'un setier est très variable d'une
zone à une autre, allant de 40 à 60 ares, ce qui ne facilite
pas les comparaisons ; par ailleurs, pour ce qui est des prix, souvent
indiqués en livres chartraines, il faudrait pouvoir prendre en compte
la détérioration de cette monnaie au cours du siècle.
6.
VERHULST, 1990, p. 75-76 et 84.
7.
GÉNICOT, 1982, p. 32 (sur le marché immobilier stimulé
par les disettes au XIe siècle), et 322-325 (sur les XIVe-XVe siècles).
8.
Ibidem, p. 273-277.
9.
SIVÉRY, 1984, chapitre IV, 1ère partie : " Les prix de la
terre et le revenu foncier ", p. 117-129.
10.
GÉNICOT, 1966.
11.
DESPORTES, 1979, p. 402-412.
12.
Charte du comte Baudouin V éditée par DELMAIRE, 1991, p.-j.
n° 1, p. 97-99 (clause p. 99).
13.
DELMAIRE, 1991, § 50, p. 95, pour les ventes dans la localité
de Bachelerot : " et si quis eorum vendiderit terram alicui, quot solidis
vendiderit, tot denariis preposito dabit, et wantos majori. Et si forte
vendiderit domum suam, dabit IIIIor denarios de exitu, et qui emerit IIIIor
denarios de introitu. " ; § 52, p. 95, pour les droits de succession
arbitraires à Haisnes (Pas-de-Calais, arr. Béthune, cant.
Cambrin), Ligny-lès-Aire (idem, cant. Norrent-Fontes) et Lorgies
(idem, cant. Laventie) : " si homo mortuus fuerit, femina ejus vel filius
ejus venient et requirent terram a preposito usque ad misericordiam, et
major wantos suos habebit ".
14.
DERVILLE, 1995, p. 491 et 499.
15.
VERRIEST, 1916-1917, p. 143-145 et 159.
16.
Quant au Namurois, la tendance y est à un contrôle seigneurial
toujours moins pesant au XIIIe siècle, notamment avec la disparition
progressive d'un " service " (ou " congé d'entrée et d'issue
") à volonté sur les actes entre-vifs à titre onéreux,
qui est quasiment partout racheté vers 1300 ; estimé entre
5 et 10 % du prix de vente, ce droit est payé soit par le vendeur
soit par l'acheteur (cf. GÉNICOT, 1943 [1974], p. 154-159, avec
tableau des taux et des payeurs du service, p. 157).
17.
FOSSIER, 1974, p. 39-41. Oppy (Pas-de-Calais) en 1162 (ibid., n° 15,
p. 151-153) : l'héritier du courtil paie 4 sous ; le vendeur d'un
courtil paie 2 sous, l'acheteur paie 4 sous au seigneur et 4 deniers au
maire.
18.
FOURQUIN, 1964, p. 174-181.
19.
GIRARDOT, 1992, t. 1, p. 69-71.
20.
Ibidem,
t. 1, p. 125-127, et 350-363.
21.
Exemples dans BARTHÉLEMY, 1984, à partir de sources de la
pratique et des " lois " concédées par les seigneurs de Coucy.
22.
Comme l'a fait BARTHÉLEMY, 1993, pour le Vendômois (p. 50
et suiv., notamment).
23.
JACOB, 1990, surtout p. 381-401 (chapitre 4, partie 4 : " Les époux
et le seigneur ").
24.
Dans cette optique, les livres fonciers et comptables exceptionnels comme
celui de Guillaume de Ryckel pour Saint-Trond (PIRENNE, 1899) sont loin
d'avoir été épuisés : ce registre est passionnant
non seulement par ses listes d'achats ou d'affermages de terres, mais surtout
par les nombreux détails qu'il offre sur les modalités de
la vente, la situation des terres, les relations avec les vendeurs, les
compensations monétaires et les procédures d'engagement.
25.
Cf. en ce sens, Alain DERVILLE, " La conjoncture cambrésienne au
XIVe siècle ", dans Peasants and Townsmen in Medieval Europe,
Studia in honorem Adriaan Verhulst, éd. par Jean-Marie Duvosquel
et Erik Thoen, Gand, 1995, " Centre belge d'histoire rurale, 14 ", p. 561-572. |
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