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Une bibliographie silencieuse
L'examen de la bibliographie fait apparaître
une germanophonie pour ainsi dire sans exception. Il existe en effet extrêmement
peu de chercheurs français, anglo-saxons ou autres qui se préoccupent
spécifiquement du problème de la circulation des terres et
biens-fonds dans l'Allemagne de la fin du Moyen Âge 1.
Il faut toutefois remarquer que les historiens de langue allemande ne paraissent
guère s'être davantage intéressés au problème.
L'examen primaire de la bibliographie en allemand à l'aide des instruments
informatiques disponibles et de mots-clés spécifiques (Land,
Grundstück, Landgüter, Landbesitz, Besitzpolitik, etc.) n'a absolument
rien donné. L'examen des manuels classiques de l'histoire socio-économique
2
et de l'histoire agraire
3 n'est guère plus fructueux
et le dépouillement des revues
Zeitschrift für Agrargeschichte
und Agrarsoziologie et Siedlungsforschung ne fournit rien d'autre que
des remarques ponctuelles et "en passant". Apparemment, le thème
n'a donc guère intéressé, ce qui impose de l'aborder
de manière indirecte à travers la production historiographique.
Trois grands courants historiographiques ont
été concernés par le problème : l'histoire
de la noblesse, une des grandes spécialités outre-Rhin depuis
le XIXe s., souvent traitée de manière monographique, qui
réserve presque toujours un chapitre à la (sacro-sainte)
Besitzgeschichte ("histoire foncière"), malheureusement souvent
réalisée sans tenir compte des multiples biais de la documentation
conservée - sur lesquels, il faut le souligner, la recherche n'a
attiré l'attention que ces dernières années, dans
le cadre des multiples travaux portant sur la Schriftlichkeit ("scripturalité")
4.
Ces travaux fournissent en général des listes de biens achetés
et des cartes. Un autre courant, souvent lié au premier, est celui
de l'histoire de la crise agraire frappant les seigneurs, qui a occupé
le terrain des années 1930 aux années 1970 et connaît
une remise en cause croissante depuis les années 1980 5.
Ces travaux documentent des transferts de biens des nobles vers les bourgeois
et fournissent éventuellement des listes et des cartes. Enfin, un
dernier courant est celui de l'histoire des relations villes/campagnes,
très active dans l'ancienne R.F.A. à partir des années
1970 6, mais également importante pour les historiens
de l'ancienne R.D.A. dans le cadre de leur problématique de la transition
du féodalisme au capitalisme. Tous ces travaux insistent notamment
sur les achats de terres par les bourgeois dans les campagnes environnantes
et l'intégration de celles-ci dans la sphère du pouvoir économique
et politique urbain.
On peut ainsi observer l'absence d'études
villageoises, totalement négligées en Allemagne au profit
d'une approche juridico-institutionnelle 7 et, plus récemment,
politico-religieuse 8 des communautés villageoises.
D'une manière générale, c'est l'étude de la
Grundherrschaft ("seigneurie foncière") qui domine le terrain de
l'histoire rurale, examinée sous un angle institutionnel (les types
de droits et pouvoirs exercés) et territorial (les fluctuations
du nombre de terres et bâtiments détenus). Les seules exceptions
à cet état de fait sont des travaux parus ces dernières
années en Suisse et qui, tout en adoptant le cadre d'une seigneurie
pour des raisons documentaires (les sources sont produites au niveau seigneurial)
entendent envisager la situation concrète et les comportements des
ruraux, dans une perspective "vue d'en-bas"9.
2. Les sources utilisables
L'un des obstacles à l'appréhension
des transferts fonciers est l'absence de sources notariales comparables
à celles d'Italie ou même de France, bien qu'il ait existé
des notaires publics au moins depuis les alentours de 1300 - mais ceux-ci
ont émis des "instruments publics" volants, dont la conservation
est semblable à celle des chartes, et non pas des registres notariaux.
À Cologne, toutefois, les achats/ventes de terres et immeubles dans
la banlieue, entre les murailles et la limite de la banlieue (matérialisée
depuis le XIIIe s. par des bornes), relèvent des notaires de la
ville et sont notées depuis le XIVe s. dans des Schreinsbücher
("livres scriniariaux") particuliers, dits extra muros ou extra civitatem,
ce qui permet à Franz Irsigler de signaler la très grande
mobilité, la très grande cherté et l'extraordinaire
parcellisation (allant jusqu'à des divisions en tantièmes
quand on ne pouvait plus diviser réellement) des vignobles et maraîchers
dans cette banlieue, la quasi-absence des "paysans" parmi les détenteurs,
qui sont pour l'essentiel des établissements ecclésiastiques
urbains et des citadins, lesquels louent la terre à durée
limitée à des ruraux ou artisans, souvent par l'intermédiaire
de patriciens ou marchands qui servent de locataires/loueurs intermédiaires
10.
Les chartes de transaction (notariées
ou non) ont longtemps été considérées comme
un palliatif de l'absence de registres notariaux : pour Stralsund, p. ex.,
Konrad Fritze repère à l'aide des chartes "au total 109 achats
privés de terres ou de rentes" entre 1370 et 1450 11
- mais il n'en dit pas plus sur les prix, les conditions, etc. Une utilisation
identique s'observe pour toutes les études sur l'aristocratie qui
consacrent une partie à la Besitzgeschichte. Toutefois, l'utilisation
des chartes à cette fin a fait dernièrement l'objet de vives
critiques de la part de Roger Sablonier, du moins pour les environs du
XIIIe s.12 : se fondant sur l'ensemble du matériau
conservé pour une région donnée, la Suisse orientale,
R. Sablonier montre d'une part que le problème est moins celui de
la conservation que de la mise par écrit, d'autre part que les biens
mentionnés dans les chartes de vente ou de donation ne correspondent
pas nécessairement à des biens effectivement possédés
et dont on se dessaisit, mais à des biens que l'on s'approprie par
le fait même que l'on prétende pouvoir s'en dessaisir 13.
R. Sablonier considère ainsi les innombrables chartes de transfert
comme autant d'actes qui prennent leur sens véritable dans des situations
de conflit et appelle à ne pas confondre détention et prétention
: les chartes sont fondamentalement des instruments de prétention
sur des biens, dont le principe est de fonder implicitement une tradition,
de faire comme si le bien était détenu librement et donc
librement transférable. Partant de là, les ventes repérées
par les chartes ne sont donc pas nécessairement à considérer
comme des ventes effectives (au sens moderne, économiste, du terme),
mais comme des actes d'affirmation au sein d'un groupe seigneurial ; leur
sens ne réside pas dans le rapport entre vendeur et acquéreur
mais entre le vendeur et ses proches (parents, amis, seigneurs, voisins)
- et c'est dans ce contexte que doit être comprise la formation du
"prix de vente".
Un cas particulier d'exploitation des chartes
doit être ici mentionné : il s'agit d'une approche apparemment
unique dans l'objet et la méthode choisis et qui ne paraît
en tout cas guère avoir eu de postérité
14.
Harald Kindl n'envisageait pas spécifiquement de travailler sur
le "marché de la terre" mais s'intéressait à l'évolution
du pouvoir d'achat de l'argent à Hildesheim et Goslar de 1150 à
1350. Pour ce faire, il a collecté dans les chartes de ces villes
tous les prix mentionnés, qu'il a corrélés avec l'objet
transféré, bien sûr, mais aussi avec la forme de transfert
(achat/vente, concession en fief, engagement, affermage, taxation, amende,
etc.). L'objet le plus fréquemment mentionné, et qui est
le seul à se prêter à un véritable suivi chronologique,
est la Hufe (le "manse"), dont 24 combinaisons sont mentionnées
en fonction du mode de détention (alleu/fief/gage), de la provenance
seigneuriale (tenures/réserve) et du mode de taxation seigneuriale
(foncière/judiciaire). L'examen de la chronologie fait apparaître,
comme résultats principaux : 1) une croissance continue et générale
des prix de la Hufe jusque vers 1340 (malgré quelques variations
de rythme et notamment une chute générale en 1300-1323, fluctuations
que H. Kindl explique essentiellement par la conjoncture militaire) ; 2)
l'absence de différence de prix en fonction du mode de détention
(alleu/fief/gage) - qui suggère que cette distinction n'avait guère
de pertinence sociale ; 3) le caractère déterminant, dans
la formation du prix de la Hufe, de la taxation ou non par le seigneur,
quel que soit le mode d'acquisition, la soumission ou non à la justice
seigneuriale (plutôt qu'à celle du prince représentant
l'empereur) n'intervenant que secondairement.
Un dernier type de source susceptible d'évoquer
directement des transferts sont les registres de fiefs, car l'autorisation
du seigneur était théoriquement obligatoire, à tout
le moins son information a posteriori. Cependant, ces registres ne touchent
qu'une partie spécifique des biens et couches sociales, ils ne commencent
que tardivement (surtout aux XIVe-XVe s.) et ils ont été
peu utilisés de ce point de vue : le gros travail d'habilitation,
malheureusement non publié, de Hans-Peter Baum sur les registres
féodaux des évêques de Wurtzbourg entre 1303 et 1519,
appuyé sur l'usage poussé de l'informatique 15,
représente une exception. Ce dernier met toutefois en lumière
les limites de ce genre de source, qui n'évoque pas toujours (notamment
au XIVe s.) le fondement de la resignacio (vente, échange, donation,
arbitrage, etc.) et ne signale presque jamais les prix lors de ventes avérées.
Dans ce cas précis, on peut ainsi seulement observer d'une part
que le nombre global des transferts (par vente ou non) par registre connaît
de fortes variations d'un registre à l'autre, sans qu'une tendance
apparaisse, ce qui impose de prendre en compte également des variations
au niveau de la chancellerie. D'autre part, on remarque que l'essentiel
des transferts est réalisé au sein des catégories
sociales concernées (retenues par les registres eux-mêmes)
et non d'une catégorie à l'autre : les nobles vendent aux
nobles, les bourgeois aux bourgeois, etc.16 - ce qui
contredit en passant l'idée d'un transfert massif de biens des mains
de la noblesse à celles des bourgeois.
À ces sources "directes" s'en ajoutent
d'autres, susceptibles de révéler indirectement qu'il y a
eu des transferts. Il s'agit en premier lieu des terriers ou censiers (Urbare,
Zinsbücher, Beraine) : la série publiée des Urbare autrichiens
fait apparaître p. ex. que des bourgeois détiennent dès
le début XIIIe s. des terres en gage des princes territoriaux, aux
côtés des nobles et de quelques juifs, et notamment des terres
à vignes. Par ailleurs, le censier de l'abbaye autrichienne de Göttweig,
du début du XIVe s., fait apparaître un grand nombre de donations
de vignobles, parfois d'échanges, mais aucun achat. On trouve également
dans les Urbare ou Gültbücher des commanderies teutoniques de
Haute-Allemagne au XIVe s. la mention fréquente d'un hantlon ("Handlohn"
= laudemium) à percevoir en cas de vente de terre par paysan. Les
Urbare laissent subodorer que des pratiques plus ou moins importantes de
vente, d'engagement, d'échange pouvaient avoir lieu, mais ne fournissent
aucune évolution, aucun prix. Tout au plus pourrait-on rapporter
le nombre de pièces de terres explicitement concernées par
des ventes au nombre de pièces total... Il en va de même du
Landbuch (terrier) de la Marche de Brandebourg, dressé en 1375 et
fournissant une description extrêmement précise des terres
et de leurs charges seigneuriales, mais sans indication d'éventuels
transferts. Seule une comparaison de censiers ou terriers établis
à quelques années de distance pour une même seigneurie
permettrait de repérer de telles variations et d'en mesurer l'ampleur
(sans toutefois connaître les formes et les prix de vente)17
- le problème se posant tout de même de repérer les
éventuels liens existant entre deux détenteurs successifs
portant deux surnoms différents : à partir de quand peut-on
être sûr qu'il ne s'agit pas d'un père et d'un fils
? Ne peut-il s'agir d'un beau-père et de son gendre, donc d'une
"banale" succession ?
Les rôles fiscaux (Steuerlisten) permettent
également, par comparaison d'un relevé à l'autre,
de suivre l'évolution de la détention du sol, mais ils sont
principalement urbains et ne retiennent pas les terres aristocratiques
ou cléricales. Une telle comparaison de deux rôles du XIVe
s. concernant la ville de Göttingen livre cependant d'intéressantes
informations, concernant la durée de détention des parcelles
et surtout la circulation de parcelles au sein de groupes urbains spécifiques
(d'une "famille" de conseillers à une autre)18,
ce qui rappelle (à une échelle plus fine) ce qui a été
observé par R. Sprandel et H.P. Baum du point de vue des fiefs wurtzbourgeois.
Mais dans tous les cas, on ne connaît rien des formes de mutation
: on ne peut guère que constater que le détenteur n'est plus
le même. Le même problème se pose avec les obituaires
(Jahrzeitbücher), dont M. Othenin-Girard a souligné la faible
utilisation par les chercheurs : outre les fondations de messes, ils enregistrent
les biens-fonds sur lesquels sont assises les rentes obituaires, mais aussi
(par des ajouts, corrections, ratures, gloses marginales ou interlinéaires)
les transferts de ceux-ci, permettant ainsi de suivre leur circulation
au sein d'une communauté rurale. Mais ces sources ne datent généralement
pas le moment du transfert (on doit alors "dater" l'acheteur à l'aide
des censiers), n'indiquent pas toujours la forme du transfert, ne fournissent
pas de prix de vente et ne sont utilisables de ce point de vue que pour
les XIVe-XVIe s.
Si l'on tente de dresser un bilan des sources,
on ne peut que constater d'une part que la documentation est très
fragmentaire, ce qui fait dire à Dorothee Rippmann à propos
des acquisitions des bourgeois bâlois dans les campagnes environnantes
que "ce processus d'appropriation ne se laisse appréhender dans
les sources que de manière fragmentaire"19. De
la même manière, à propos du territoire de Nuremberg,
Karl-Friedrich Krieger 20 reprend les soupirs de H. Dannenbauer,
selon qui "ce serait une entreprise hasardeuse et sans espoir que de tenter
de décrire l'histoire changeante de la propriété foncière
de Nuremberg à partir des innombrables mentions isolées et
transmises plus ou moins par hasard"21. Par ailleurs,
cette documentation est relativement tardive : mis à part les chartes
et, bien sûr, les polyptyques, l'essentiel des sources ne remonte
pas au-delà du XIVe s. Un autre problème crucial posé
par les sources (pas seulement allemandes !) est celui de l'absence de
description précise des biens vendus : très souvent on se
contente de mentionner qu'il s'agit d'un "bien" (gut) ou "petit bien" (gütlein),
mais on n'est guère plus avancé lorsque le texte paraît
préciser qu'il s'agit d'un "champ" (acker), d'un "clos de vigne"
(weingarten) ou d'un "pré" (wiese), ni lorsque, dans le meilleur
des cas, on recourt à la technique des quatre confronts - quelle
que soit la forme et l'orientation de la pièce (il n'y a aucune
raison pour qu'elles soient toujours quadrangulaires !).
Les sources sont ainsi rarement favorables à
un suivi régulier, diachronique, des biens. Pour ce qui est d'une
reconstitution synchronique (p. ex. le tableau à telle ou telle
date d'un ensemble de parcelles), on manque apparemment la plupart du temps
de prix utilisables. On sait ainsi que des transactions ont eu lieu mais
on en connaît rarement la forme (achat, mise en gage, échange,
etc.), le prix, le vendeur, l'objet, le contexte - et au-delà et
en fin de compte le sens social de l'opération. Toutefois, il est
clair également que l'information non sérielle est souvent
négligée, comme des dossiers ponctuels qui permettraient
d'accéder à des stratégies concrètes. Et même
les données sérielles ne sont pas utilisées : les
prix mentionnés dans les chartes n'ont guère été
utilisés que par H. Kindl, les Schreinsbücher de Cologne constituent
toujours un gisement de données largement inexploitées 22,
des séries de censiers attendent certainement qu'un autre J. Demade
se mette à leur recherche, de même qu'il a fallu attendre
1980 pour que les possibilités d'utilisation des rentes obituaires
soient signalées par Léopold Génicot, et 1994 pour
que M. Othenin-Girard s'appuie sur elles et sur les censiers pour coupler
la variation des formes de détention de la terre avec un suivi nominal
des détenteurs et faire apparaître ainsi de possibles stratégies
familiales. On en reste ainsi largement, pour l'heure, à des approches
et résultats impressionnistes que ne justifient pas entièrement
les sources disponibles. Ce sont ces résultats que je vais maintenant
essayer de synthétiser.
3. La place des achats/ventes
dans les mutations
M. Othenin-Girard montre que les transferts de
biens (Mutationen), de nature successorale ou non, au sein d'une même
famille (identifiée par un patronyme spécifique, ce qui ne
va pas sans poser au moins un problème méthodologique : l'hérédité
des patronymes est-elle fixée ?) sont minoritaires par rapport à
l'ensemble des "mutations" : ils représentent toujours moins de
50% des cas entre 1372 et 1538 dans la seigneurie de Farnsburg (environs
de Bâle), avec une nette tendance à l'accroissement : 22%
en 1372, 50% en 1538. Cet accroissement est interprété comme
une fixation sur la "famille", elle-même signe d'une raréfaction
des terres consécutive à la croissance démographique
et donc à la difficulté pour les jeunes de se procurer des
terres sur le marché "libre" (mais qu'entend-on par-là ?)
: on ne transfère par conséquent plus ses terres à
des étrangers mais on se limite aux enfants. La seule exception
au trend à la hausse de la part intra-familiale des mutations confirmerait
ceci : dans les années 1440, seuls 17% des transferts de terres
le sont aux parents ; or cette période est caractérisée
par de très nombreuses terres vacantes en raison d'une conjoncture
de guerre, si bien que les jeunes ont le choix. En revanche, on ne sait
rien du mode de transfert, aux "étrangers" comme aux parents, fautes
de sources, et donc notamment de la part des achats/ventes par rapport
à l'héritage : M. Othenin-Girard se contente ainsi de termes
très vagues comme Gütertransaktionen ("transactions foncières"),
zwischenbäuerliche Gütertransaktionen (idem "inter-paysannes"),
Güterakkumulierung ("accumulation foncière"), Landerwerb ("obtention
de terres"), et surtout Inhaberwechsel ("changement de détenteur").
Dans l'aristocratie, en revanche, les proportions sont nettement différentes
: lorsqu'on dispose d'études à ce sujet, on a toujours plus
de 50% des transferts de biens qui le sont à des porteurs du même
patronyme
23. Toutefois, ces études ne différencient
pas entre les différents types de biens transférés,
si bien qu'il est parfaitement imaginable - mais il faudrait le vérifier
- que les biens les plus importants (châteaux, dîmes, etc.)
aient fait l'objet de transferts au sein des porteurs d'un même patronyme,
tandis que les biens plus communs et facilement remplaçables auraient
été aliénés vers l'extérieur.
Si l'on tient compte par ailleurs de l'extraordinaire
développement en Allemagne de la pratique de l'engagère (ventes
à réméré le plus souvent), qui constitue la
forme absolument dominante des acquisitions tant chez les princes que dans
la petite et moyenne aristocratie 24, on peut également
poser la question de la part des achats/ventes "secs" par rapport aux engagères
- bien que d'après les résultats obtenus par H. Kindl, la
distinction n'ait sans doute pas grande pertinence. Le caractère
temporaire de ces acquisitions doit toutefois faire réfléchir
au sens social de ces achats : ce qui est en jeu n'est pas seulement une
logique patrimoniale, mais plutôt un moyen pour l'aristocratie de
s'approprier des fractions de terres de haute qualité sociale, des
châteaux, etc., à quoi s'ajoute dans une mesure inconnue la
pression princière sur les fidèles de bien vouloir prêter
leur argent en prenant des gages, si bien qu'on voit l'aristocratie vendre
des biens propres (terres...), voire les mettre en gage, pour pouvoir prendre
en gage des biens princiers...25 On en déduit
donc aisément que la compréhension des transferts particuliers
n'est possible que par la prise en compte de l'ensemble des opérations
et des rapports de forces qui les sous-tendent. Et cela confirme également
à quel point la logique des transferts de terres n'est jamais réductible
a priori à de l'économique : ce sont des instruments de pouvoir
qui circulent, et pas seulement des châteaux-objets, des curiae-objets,
des terres-objets, des vignes-objets, etc.
Tous les transferts ne faisaient d'ailleurs pas
l'objet d'une circulation de monnaies (à laquelle on ne comprend
d'ailleurs toujours pas grand-chose, il faut bien le souligner) mais s'inscrivaient
dans une pratique d'échange. Mais à l'examen, on se rend
compte qu'on a, finalement, très peu d'information sur cette pratique.
Les études de cas portant sur l'aristocratie montrent en fait caractère
très minoritaire par rapport aux achats ou prises en gage. Mais
surtout, l'idée couramment avancée d'échanges réalisés
afin de constituer des blocs compacts ("remembrement") ne semble pas trouver
de confirmation dans la documentation. Dans un certain nombre de cas, ces
échanges ne portaient d'ailleurs pas sur des terres, mais spécifiquement
sur des hommes (notamment des serfs, en raison du contrôle strict
que l'on prétendait exercer sur leurs unions matrimoniales), ce
qui nous rappelle que derrière la représentation contemporaine
du "remembrement" se cache moins la conception d'un espace cultivé
homogène - et perçu comme un espace en deux dimensions -
que celle d'un "espace social" caractérisé par un enchevêtrement
des rapports sociaux, lui-même entretenu par des pratiques successorales
et guerrières spécifiques, mais également par des
pratiques de rééquilibrage périodique assurant une
certaine cohésion au niveau seigneurial, évitant ainsi la
pulvérisation définitive du système.
Si l'on considère enfin spécifiquement
que les acquisitions de terres ont pu constituer un mode d'appropriation
de fondements du pouvoir seigneurial (p. ex. des terres accensées),
on doit alors également envisager le problème de la fréquence
de cette pratique par rapport à celle des défrichements.
Dans la région de Bâle, M. Othenin-Girard observe ainsi, après
une phase de forte croissance des superficies exploitées par tenancier
liée à la guerre au milieu du XVe s., à la fuite des
exploitants et aux transferts de leurs exploitations (sans division) aux
exploitants restants (qui y pratiquent l'élevage extensif jusqu'à
fin XVe s.), un renversement de tendance vers 1500 : la croissance démographique
aboutit à une baisse du nombre des grosses exploitations en raison
des pratiques de division successorale. Dans ce contexte de demande de
terres, toutefois, ceux qui ne sont pas des héritiers n'ont presque
aucune chance d'accéder à la terre (sauf éventuellement
par mariage, mais l'endogamie sociale apparaît très forte,
dominée par une stratégie à long terme de concentration
des terres - et non de patrimonialisation) : pour eux, l'obtention de terres
se fait alors par le défrichement - mais là encore les proportions
respectives nous échappent. Dans un autre contexte social, Rolf
Kießling signale l'engagement de bourgeois d'Augsbourg dans les opérations
de défrichement en Souabe au début XIVe s., à côté
des établissements ecclésiastiques et des seigneurs laïcs.
La raison de cet effort n'apparaît pas clairement : s'agit-il d'un
moyen supplémentaire pour les bourgeois de s'approprier la terre
? Leur puissance pécuniaire est-elle encore insuffisante pour le
faire par achat dans des proportions identiques ? Ou les terres achetables
sont-elles insuffisamment nombreuses, à cause d'une faible commercialisation
foncière ? 26. Le défrichement apparaît
ainsi comme un moyen complémentaire, alternatif, d'obtention de
terres, lorsque l'achat semble difficile, mais sans doute moins fréquent
- ne serait-ce que parce que les bois et friches disponibles à la
fin du Moyen Âge sont non seulement moins nombreux qu'aux périodes
antérieures, mais surtout l'objet de réservations croissantes
de la part des pouvoirs seigneuriaux ou, dans les zones alpines, des communautés
d'habitants 27. Là encore, le défrichement
ne peut donc pas être considéré comme une procédure
technique, mais comme le résultat de négociations au sein
de rapports de pouvoir.
4. Que vend-on lorsqu'on
vend une terre ?
Vend-on la terre seule ? R. Sprandel considère
la diffusion de l'argent dans les campagnes comme une "monétarisation
de la propriété agraire et seigneuriale" induisant une "monétarisation
des rapports de dépendance", qui forme par ailleurs le socle de
l'indépendance urbaine vis-à-vis des seigneurs 28.
Ce n'est donc pas seulement la terre que l'on vend, mais également
le pouvoir seigneurial. Cependant, pour ce qui est également du
nord de l'Allemagne, Inge-Maren Peters signale que la noblesse ne vend
aux bourgeois (et à réméré) que le sol avec
les prétentions à certaines redevances qui lui sont attachées,
mais pas les droits seigneuriaux eux-mêmes, même lorsque, d'après
le texte de la charte, tout le bien fait l'objet de la vente (on s'en rend
compte en général à l'occasion de conflits postérieurs,
lorsque l'on voit les anciens seigneurs continuer de revendiquer la justice.
I.-M. Peters signale aussi le cas d'un achat à réméré
d'un village par des bourgeois de Lübeck, au milieu du XIVe s., lors
duquel les acheteurs se font explicitement garantir qu'ils ne seront pas
tenus de ce fait de fournir, ni eux ni les habitants du village, l'aide
militaire habituellement attendue) 29. L'achat d'une
terre ou d'un village ne remettrait ainsi pas automatiquement en cause
les rapports sociaux et introduirait même l'acheteur dans la situation
sociale en question ; on ne pourrait de ce fait en aucun cas parler d'une
pénétration des bourgeois dans la sphère seigneuriale
dominée par la noblesse - et I.-M. Peters s'oppose par conséquent
au postulat de R. Sprandel. Pour ce qui est de Nuremberg, toutefois, K.-F.
Krieger estime que les réserves de I.-M. Peters ne sont pas valables
et donc qu'on peut considérer, en Franconie, que les ventes de terres
entraînent avec elles le transfert des pouvoirs seigneuriaux 30.
Au niveau des exploitants, en tout cas, l'étude de H. Kindl confirme,
si besoin était, que l'achat d'une Hufe soumise à une taxation
seigneuriale entraîne l'endossement de la taxe par le nouveau tenancier.
Pour ce qui est des transferts de terres d'exploitant à exploitant,
Josef Hopfenzitz, étudiant certaines formules récurrentes
dans les textes de Haute-Allemagne aux XIVe-XVe s. (des hofs gerechtigkeit
ist... ; der hof sol haben...), signale que l'achat (ou la prise à
ferme ?) d'une exploitation par un paysan en ne porte jamais sur la seule
terre avec ses bâtiments, mais aussi tout un ensemble de matériels
et d'animaux qui doivent statutairement s'y trouver 31.
Il semble donc que les transactions puissent rarement porter sur la terre
seule, indépendamment des droits seigneuriaux y afférents,
l'exploitation rurale étant quant à elle (souvent ?) considérée
avec ses infrastructures.
Ne vend-on pas alors aussi (et surtout) du statut
social ? On peut observer avec Regina Görner une baisse constante,
en Westphalie, du taux de rente entre 1350 (10,2%) et 1500 (5,3%), traditionnellement
interprétée comme le signe d'une baisse des rentes (exprimées
en monnaie) tirées de la détention de la terre, alors que
les revenus tirés de capitaux prêtés (= le taux d'intérêt)
restent supérieurs de quelques points 32. Mais
Julien Demade a lumineusement fait observer que c'est exactement l'inverse
qu'il faut comprendre 33 : le taux de rente étant
mesuré à l'aide d'actes d'achat/vente qui mentionnent le
prix payé (considéré comme "le capital") et la rente
fixe qui sera servie à l'acheteur, la baisse du taux de rente signale
alors que pour posséder une rente donnée et irrémédiablement
fixée, on accepte de payer plus qu'auparavant : le prix de la rente
augmente, donc le taux de la rente baisse. Or, dans le même temps,
on voit les taux d'intérêt (donc la rentabilité financière
du crédit urbain) se maintenir à un niveau plus haut et même
s'accroître. On se trouve donc dans une situation où l'on
préfère acheter chèrement quelque chose qui rapporte
moins que ce que rapporte l'usage urbain de l'argent (la hausse des taux
d'intérêt urbains étant d'ailleurs sans doute en partie
un résultat de la raréfaction de l'argent sur le marché
urbain). L'achat de terres ou même simplement de rentes seigneuriales
ne peut ainsi pas être réduit à sa seule signification
monétaire : ce qui est acheté, c'est une position sociale,
celle de dominus. La transaction ne peut donc en aucun cas être réduite
à son seul aspect matériel, qui n'est guère que le
plus visible pour nous. La notion de "marché de la terre" ne doit
ainsi pas oblitérer que la terre, d'une certaine manière,
n'existe pas au Moyen Âge au sens où nous la concevons aujourd'hui
: elle n'existe que dans le cadre de rapports sociaux précis (ce
qui est d'ailleurs le cas encore aujourd'hui) et de représentations
qui s'opposent à sa réduction à un simple instrument
de production 34. Inversement, les résultats obtenus
par H. Kindl montrent que la distinction entre alleu, fief ou autres formes
de détention n'influe pas sur le prix, donc que ces distinctions
formelles ont sans doute tout lieu d'être laissées de côté
au magasin des accessoires inutiles 35 : ce qu'on achète
n'est ni un alleu ni un fief, mais de la puissance sociale.
5. Les mobiles des mutations
Pourquoi alors vend-on ? L'endettement constitue
une réponse habituelle. L'endettement seigneurial ramène
à la théorie de la crise agraire chère à W.
Abel (la contre-théorie de Guy Bois n'ayant eu outre-Rhin pour ainsi
dire aucun écho 36), qui induit l'endettement
seigneurial et interprète ainsi les nombreuses ventes et mises en
gage. L'extension de la détention du sol par les bourgeois dans
les régions périphériques de la ville est alors très
souvent mise en relation avec l'appauvrissement de l'aristocratie féodale
au XIVe s. (cf. K. Fritze, K.-F. Krieger, D. Rippmann, etc.). Toutefois,
l'hypothèse de cet endettement est aujourd'hui largement remise
en cause dans sa signification : on observe ainsi, comme on l'a déjà
signalé plus haut, que des ventes ou mises en gage sont un moyen
de se procurer de l'argent pour prendre en gage, ou prêter de l'argent
à un prince, dans un contexte de circulation monétaire peu
active 37. Les transactions se replacent ainsi dans un
contexte social beaucoup plus riche... Et l'on observe d'ailleurs chez
les détenteurs du sol nobles une nette tendance à la vente
aisée de terres périphériques, venues soit par héritage,
soit par achat occasionnel : une sorte de "volant de terres" servant de
réserve de valeur (thésaurisation sous forme de terres) susceptible
d'être revendues rapidement 38 - ce qui pourrait
induire des formes plus souples de domination seigneuriale. Par ailleurs,
la justification des ventes ou mises en gage à l'aide de l'argument
des dettes pressantes commence à être remise en question,
cet argument apparaissant nettement controuvé dans certains cas
et sujet à caution dans les autres, car il paraît servir surtout
à légitimer l'aliénation par rapport aux autres membres
du groupe parental ou par rapport au seigneur 39. Enfin,
la relecture de l'évolution du taux de rente par J. Demade confirme
également que, même dans une région que le chanoine
Werner Rolevinck a dotée d'une aristocratie pauvre et voleuse, la
crise de la noblesse pourrait bien n'être qu'un discours convenu
: en effet, ceux qui en début de période détiennent
la plus grande partie des rentes vendables sont les seigneurs nobles ;
ce sont donc eux qui contrôlent "l'offre", et son infériorité
par rapport à la "demande" (puisque le prix d'achat des rentes baisse)
signifie que la situation matérielle des nobles ne les contraint
pas à vendre leurs droits...40
Mais il y a aussi l'endettement paysan : Jean
Schneider soulignait ainsi l'importance de l'endettement paysan comme raison
de la vente de terres, après que les ruraux ont tenté de
compenser
antérieurement leur besoin d'argent par la constitution de rentes
auprès des bourgeois de Metz, ceux-ci mettant la main sur les terres
dès que le débiteur ne pouvait plus rembourser ou payer la
rente - ce qui conduisait d'ailleurs le plus souvent à des conflits
avec les seigneurs de ces biens. Au XIVe s., les biens ruraux du patriciat
messin constituaient ainsi la plus grande partie de sa fortune, et une
base essentielle des activités de ces bourgeois, qui écoulaient
leur production agricole vers la ville : Metz n'était en effet plus
une grande ville commerciale, car à l'écart des grandes voies,
mais seulement un grand marché local 41. De même,
la paupérisation paysanne consécutive à la croissance
démographique et à une pratique dominante de division successorale
(dans région entre Meuse et Rhin inférieurs, on observe une
croissance continue, entre la fin XIVe et le milieu du XVIe s., du nombre
des petites exploitations paysannes payant l'impôt au duc de Clèves,
par endroits de plus de 100%) aboutit à des ventes. Celles-ci sont
réalisées soit auprès des détenteurs de plus
grosses exploitations, dont l'existence matérielle n'était
pas encore menacée par la crise et que de tels achats renforçaient,
soit à des bourgeois. Ce sont ainsi 20% du sol laïc et non-noble
qui appartiennent à des bourgeois à la fin XVe.42.
Inversement, l'examen des comptes d'un bourgeois bâlois, Ulrich Meltinger,
fait certes apparaître plusieurs créances sur des paysans
des environs, mais rien ne permet de relier cette situation à la
détention du sol par Meltinger que l'on observe par ailleurs (du
moins D. Rippmann ne le signale-t-elle pas) 43.
Un autre mobile avancé est celui de la
réorganisation seigneuriale, p. ex. pour les monastères rhénans
envisagés par Edith Ennen
44 : dans le contexte
dominant d'autarcie du haut Moyen Âge, les monastères mal
situés avaient acheté des terres en vignes ailleurs, parfois
loin de leur lieu d'implantation 45, terres qui devinrent,
avec le développement des villes et des échanges, moins nécessaires
alors que leur éloignement les rendait pénibles à
gérer (en 1290, l'abbesse de Herford se plaint ainsi au sujet de
biens situés de l'abbaye quod litones dicte curtis vinum nostrum
et nostre ecclesie nimis inepte bibunt !) - d'où leur vente au XIIIe
s. E. Ennen donne ainsi une liste de transactions des années 1210-1318
: les vendeurs sont des établissements ecclésiastiques, les
acheteurs principalement d'autres établissements ecclésiastiques
ou quelques clercs, suivis par des seigneurs laïcs (trois fois moins
nombreux) et quelques rares bourgeois de Trèves et Cologne. Signe
des temps historiographiques : aucun prix n'est signalé par E. Ennen.
Christian Reinicke poursuit les remarques d'E. Ennen, donne quelques prix,
mais sans permettre de comparaison ; il signale cependant la vente à
un bourgeois colonais, en 1288, de deux curiae par le monastère
Sainte-Marie de Soissons dans un village près de Cologne, où
le dit bourgeois en tenait déjà une, "pour la forte somme
de 300 lb.t.", ce qui pourrait laisser penser que ces 2 curiae revêtaient
pour le bourgeois une grande importance, qu'a su exploiter le monastère
46.
À cela s'ajoutent des mobiles que l'on
pourrait appeler "exogènes" par rapport aux rapports sociaux : pour
la banlieue de Cologne, F. Irsigler signale ainsi sur la base des Schreinsbücher
un fort renouvellement des détenteurs de terres (mais sans précision
aucune) de banlieue vers 1349/50, à cause de la Peste Noire. Mais
sous quelle forme le transfert a-t-il lieu ? Par ailleurs, M. Othenin-Girard
souligne le rôle joué par l'âge dans les fluctuations
du nombre des terres détenues, le maximum étant atteint à
l'âge mûr, au moment où les enfants sont encore jeunes,
avec une réduction ultérieure (au profit des enfants arrivant
à leur tour à l'âge mûr) à mesure que
l'âge et les besoins familiaux contraignent à/dispensent de
travailler des surfaces moins importantes. La guerre peut également
entraîner une mobilisation des terres, soit par la mort des exploitants,
soit par leur fuite, comme M. Othenin-Girard l'observe dans la seigneurie
de Farnsburg. Les troubles internes à Cologne dans les années
1396-1420 (mais on n'est plus là dans les contraintes "exogènes")
provoquent également une série de mutations foncières
en ville et dans la banlieue, lorsque les patriciens vaincus par les métiers
quittent la ville.
Mais si l'on vend, c'est aussi qu'il y a des
acheteurs, ce qui conduit à se tourner vers leurs propres mobiles.
Les observations de M. Othenin-Girard sur le rôle de l'âge
correspondent au mobile de l'extension des surfaces cultivées à
partir d'une phase de jeunesse où les terres sont peu nombreuses
(de fait, on peut observer qu'un certain nombre de petits tenanciers sont
justement désignés comme "l'enfant de N.", donc comme jeune
dont le père est encore vivant).
Un autre mobile avancé est celui du contrôle
"politique". Il peut ainsi s'agir, pour R. Kießling 47,
d'assurer la sécurité des routes marchandes, notamment, à
Augsbourg, la route vers le sud (route d'Italie). La même chose est
signalée par D. Rippmann pour Bâle : les routes importantes
pour le commerce sont contrôlées par les bourgeois par l'achat
des terres des villages voisins.
L'ostentation sociale des "nouveaux puissants"
est également fréquemment mentionnée. C'est le cas
pour les bourgeois arrivés au pouvoir à Cologne après
le coup de force de 1397 : issus de régions plus éloignées,
où ils conservent des biens et fondent des messes, ils se mettent
très vite à acheter des terres à proximité
de Cologne, comme "placement de capital" et moyen d'imiter l'aristocratie
et le patriciat politiquement vaincu. Ces achats sont ainsi un moyen de
sceller leur accession au pouvoir et de confirmer leur puissance 48.
À Augsbourg, les bourgeois achètent des terres aux environs
des villes dès la fin du XIIIe s. pour imiter l'aristocratie rurale,
achats principalement réalisés auprès de l'évêque,
mais aussi quelques autres établissements ecclésiastiques.
Il ne faut cependant pas négliger, dans cette part du sol rural
détenue par les bourgeois qu'une partie sans doute non négligeable
remonte à l'époque où la famille était encore
rurale 49. R Kießling signale en outre plusieurs
cas de bourgeois de Souabe qui, devenus grands propriétaires, ont
été amenés à développer des stratégies
propres pouvant déboucher sur une opposition à la ville dans
laquelle ils vivaient 50. F. Irsigler observe la même
chose à Cologne, si bien que l'on voit parfois les villes intervenir
pour maintenir les acquisitions de leurs bourgeois dans des limites raisonnables
du point de vue de la qualité des biens achetés 51.
L'achat de terres aboutit ainsi à aristocratiser effectivement le
bourgeois, à finalement l'extraire de son milieu bourgeois et pose
donc le problème de leur appartenance à la communauté
urbaine. Mais surtout, il montre encore une fois que l'achat de terres
ne peut seulement être considéré comme l'achat d'une
substance : il met en jeu des phénomènes sociaux qui dépassent
les acteurs de la transaction et modifient leur appartenance sociale (un
peu comme si c'était la terre qui achetait le bourgeois...).
Les achats de terres ne représentaient
cependant, pour les bourgeois enrichis, pas seulement un instrument de
représentation, mais pouvaient aussi répondre à une
recherche de lucre. L'exemple des Fugger pourrait en témoigner,
quoiqu'il soit tardif : R. Mandrou avait en effet montré que les
Fugger, qui avaient procédé à de nombreux achats au
cours de la première moitié du XVIe s. en Souabe, l'avaient
fait en connaissance de cause, à savoir que la rente foncière
rapportait autant sinon plus que le crédit urbain 52.
C'est aussi ce que pourrait indiquer la prise à bail par les bourgeois
de terres qu'ils reconcédaient à leur tour à bail
53
: ici, la simple représentation ne suffit pas, le gain résiduel
entre les deux baux paraît être la motivation principale (il
faut d'ailleurs noter que cette addition de concesseurs de la terre aux
paysans a signifié un alourdissement de la ponction sur le travail
paysan). Toutefois, cet intérêt financier semble avoir été
très variable d'une région à l'autre : dans la région
de Nuremberg, le taux des rentes constituées sur les biens ruraux
était de 3 à 5% milieu du XVe s.54, ce
qui est peu par rapport aux 8 à 9% dans l'espace baltique à
la même époque 55. K.-F. Krieger estime
ainsi que l'intérêt économique seul ne peut expliquer
l'attention des bourgeois de Nuremberg pour la terre : le prestige social
et les terres détenues avant installation en ville sont très
certainement à l'origine de l'important espace dominé par
les Nurembergeois.
La terre aurait en outre représenté
un "investissement sûr de capital" (sichere Kapitalanlage) pour les
grands négociants (mais il faudrait alors prouver que, selon les
opportunités, les grands marchands ont recapitalisés leurs
terres). Au sujet de Bâle, D. Rippmann ajoute comme mobile l'investissement
des fortes sommes que le seul marché urbain ne pourrait absorber
- par l'achat de maisons ou autres immeubles. Mais l'achat de terres est
aussi présenté comme un moyen de contrôle de la production
de lin et du tissage de la futaine 56. Cette dernière
observation impose toutefois de reconnaître que ce n'était
donc pas seulement la terre que l'on achetait, mais également (et
surtout) le travail de et sur celle-ci : c'était le moyen de peser
sur le choix des espèces cultivées, de s'en approprier une
part plus ou moins grande, mais aussi de faire travailler en outre une
partie de la population rurale à la production textile (filature
et tissage). De la même manière, en Suisse, l'animation des
circuits commerciaux et la hausse de la demande en viande conduit les bourgeois
de Fribourg à acheter des portions de terres alpines pour y développer
l'élevage bovin 57 - c'est-à-dire y faire
travailler des éleveurs sous contrôle. Autour de Cologne,
F. Irsigler observe une pression très forte sur la zone immédiatement
périurbaine, plantée de vignes et de maraîchers destinés
à alimenter le marché urbain. R. Kießling distingue
par conséquent deux catégories de biens achetés :
ceux qui circulent très vite et changent souvent de détenteurs,
et ceux qui restent durant plusieurs décennies voire plus d'un siècle
entre les mêmes mains 58. Les seconds apparaissent
comme des éléments d'une stratégie sociale/seigneuriale
(prestige, constitution de dots...) mais aussi économique (réserves
de capital), tandis que les biens à faible durée servent
de menue monnaie pour des opérations d'achat/vente ponctuelles -
tout comme chez les nobles... N. Becker observe par conséquent,
dans la basse vallée du Rhin, la constitution de groupements d'achat
(Konsortien) pour l'achat de terres, composés de membres de plusieurs
"familles dirigeantes" urbaines à l'instar des investissements du
type des compagnies ou sociétés commerciale (N. Becker n'en
dit cependant pas plus).
6. La formation des prix
Les indications, voire même les réflexions
à ce sujet sont extrêmement maigres. Les pièces de
terres achetées par les Fugger au XVIe s. et soigneusement repérées
par P. Mandrou révèlent une énorme disparité
des prix à l'unité de surface "qui doit correspondre à
une extrême précision dans l'évaluation des terres,
selon la disposition, la qualité, l'entretien, la distance du village."
Mais on ne sait rien de plus précis à ce sujet. D'après
H. Kindl, l'élément déterminant serait la taxation
seigneuriale pesant sur l'objet vendu, et secondairement les droits de
justice pesant sur lui. Mais dans ses recherches en cours, J. Demade observe
pour un même bien des fluctuations extrêmement fortes d'une
année à l'autre, qui ne s'expliquent ni par les variations
monétaires ni par la valeur, au regard des prix agricoles, de la
récolte envisageable sur la terre en question. On peut envisager
que la capacité du détenteur et de l'acheteur à négocier
plus ou moins bien intervienne, mais aussi d'éventuels liens sociaux
les reliant par ailleurs, selon le modèle que Giovanni Levi avait
développé. En tout cas, on ne dispose pas pour le moment
d'informations suffisantes sur ce problème.
Il semble toutefois que la proximité de
la ville jouât à la hausse : autour de Cologne, la zone immédiatement
périurbaine, plantée de vigne et de maraîchers, est
soumise à une très forte demande, les sources colonaises
indiquant que le prix de la parcelle de vignes vaut 4 fois celui de la
parcelle de champs 59. À Bâle, les seigneurs
qui détiennent les terres proches de la ville profitent de la haute
attractivité liée à la situation desdits biens non
pour augmenter le loyer ou la rente mais pour limiter la durée de
concession (3, 6, 9 ans) afin de multiplier les occasions de lever un droit
d'entrage (honorarium). De fait, on observe une circulation rapide des
biens dans la banlieue (p. ex. ceux de la collégiale régulière
St. Léonard) 60. R. Kießling, quant à
lui, observe une disposition concentrique des terres des bourgeois autour
des villes, avec quelques trous correspondant aux zones forestières
(délaissées) et quelques concentrations plus nettes dans
les secteurs traversés par des grandes routes 61.
Logiquement, la proximité des routes commerciales joue également
à la hausse 62. Mais en aucun cas on n'a d'études
poussées ou un tant soit peu précises sur ce sujet : on en
reste purement et simplement à des observations générales
ne dépassant pas le stade de la corrélation plausible.
7. Bilan et perspectives
Que le thème des transferts de terres doive
être envisagé de manière beaucoup plus sérieuse
qu'il ne l'a été jusqu'à présent apparaît
ainsi indispensable à la fois pour rendre compte des milliers d'actes
dressés à cette occasion et qui n'ont finalement été
qu'effleurés, qui plus est à l'aide d'instruments analytiques
inadéquats (réduisant la terre à une surface plus
ou moins cultivée), et en raison des effets non négligeables
qu'ont parfois pu avoir des ensembles de transactions foncières
sur le paysage rural (donc le "paysage social") : Manfred Balzer a ainsi
montré que l'achat des terres des environs par les habitants de
Paderborn à la fin du XIIIe et au début du XIVe s. et leur
exploitation (en faire-valoir direct ou par affermage : les mentions se
multiplient de bourgeois comme exploitants de terres des environs) à
partir de la ville ont abouti à l'abandon progressif de tous les
lieux habités des environs (ce qu'on appelle Ortswüstungen
"villages désertés", par opposition aux Flurwüstungen,
"terres désertées"). Le développement urbain de Paderborn
et le processus de mobilité commerciale des terres apparaissent
ainsi comme des facteurs de "désertion", ce qui se traduit par une
"couronne de désertions" autour de la ville, laquelle prend certains
traits d'une agroville 63. Pareillement, F. Irsigler
estime qu'"à l'aide des Schreinsbücher extra muros on peut
d'une certaine manière suivre la transformation de la couche supérieure
de la ville de Cologne durant les siècles de la fin du Moyen Âge
et du début de l'époque Moderne. Une entreprise de recherche
tout autant payante serait l'analyse à long terme de la taille des
parcelles, des prix d'achat, la hauteur des baux d'affermage et la fluctuation
de la propriété". Ce programme de recherche n'a toujours
pas, sauf erreur, été entrepris sur ces sources (le cas d'É.
Champion sur certains Schreinsbücher intra muros étant d'ailleurs
lui aussi exceptionnel).
La notion même de "marché de la
terre" paraît toutefois, à la lumière des quelques
informations disponibles, inadéquate pour l'espace germanophone
(pour se limiter à celui-ci). La formation des prix fait entrer
en jeu une multiplicité de facteurs comme la charge seigneuriale
ou la position dans l'espace - donc théoriquement des données
"objectives", mais auxquelles se surimposent selon toute vraisemblance
des données totalement incontrôlables comme la capacité
de bien vendre et de bien acheter, la qualité des personnes des
deux côtés, les stratégies symboliques. Avant même
de pouvoir parler de "marché de la terre", la première tâche
sera d'éclairer la formation des prix des terres.
1
Nonobstant les remarques ponctuelles que l'on peut glaner ici ou là,
au détour d'une page de travaux portant sur autre chose, on ne peut
guère citer, sauf erreur, que des thèses de doctorat en cours,
celle d'Étienne Champion (dir. M. Parisse, Paris I) et celle de
Julien Demade (dir. G. Bischoff, Strasbourg II).
2
H. AUBIN, W. ZORN (dir.), Handbuch der deutschen Wirtschafts- und Sozialgeschichte,
Stuttgart 1971, F.-W. HENNING, Deutsche Agrargeschichte des Mittelalters.
9. bis 15. Jahrhundert, Stuttgart : Ulmer, 1994.
3
W. ABEL, Agrarkrisen und Agrarkonjunktur. Eine Geschichte der Land- und
Ernährungswirtschaft Mitteleuropas seit dem hohen Mittelalters, (3e
éd.) Hamburg/Berlin : Parey, 1966 ; W. RÖSENER, Agrarwirtschaft,
Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft im Mittelalter, München
: Oldenbourg, 1992 (Enzyklopädie Deutscher Geschichte, 13) ; du même,
Bauern im Mittelalter, (3e éd.) München : Beck, 1987.
4
Cf. par exemple ceux de R. Sablonier, détaillés plus bas.
5
W. ABEL, Agrarkrisen..., op. cit. ; H.-P. SATTLER, Die Ritterschaft der
Ortenau in der spätmittelalterlichen Wirtschaftskrise. Eine Untersuchung
ritterlicher Vermögensverhältnisse im 14. Jahrhundert, Heidelberg
: Diss., 1962. Sur la remise en cause de cette conception cf., en français,
J. MORSEL, "Crise ? Quelle Crise ? Remarques à propos de la prétendue
crise de la noblesse allemande à la fin du Moyen Âge", Sources.
Travaux historiques 14 (1988), p. 17-42 et, dernièrement, K. ANDERMANN,
"Raubritter - Raubfürsten - Raubbürger ? Zur Kritik eines untauglichen
Begriffs", in : du même (dir.), "Raubritter" oder "Rechtschaffene
vom Adel" ? Aspekte von Politik, Friede und Recht im Spätmittelalter,
Sigmaringen : Thorbecke (Oberrheinische Studien, 14), 1997, p. 9-29, et
H. ZMORA, State and nobility in early modern Germany. The knightly feud
in Franconia 1440-1567, Cambridge : Cambridge U.P., 1997, p. 53-62.
6
R. KIESSLING, Die Stadt und ihr Land. Umlandpolitik, Bürgerbesitz
und Wirtschaftsgefüge in Ostschwaben vom 14. bis ins 16. Jahrhundert,
Köln/Wien : Böhlau (Städteforschung, A 29), 1989 ; W. RÖSENER,
"Nouvelles recherches sur les rapports ville/campagne", BullMHFA 26/27
(juin/déc. 1997), p. 49-57 ; dernièrement, M. DREWNIOK, Das
Busdorfstift in Paderborn : Wirtschaftsgeschichte eines westfälischen
Kollegiatstifts im Mittelalter, Münster : Aschendorff (Geschichtl.
Arbeit. z. westf. Landesf., 19), 1993.
7
O. von GIERKE, Das deutsche Genossenschaftsrecht (1868), réimp.
Darmstadt, 1954 ; I. BOG, Dorfgemeinde, Freiheit und Unfreiheit in Franken,
Stuttgart, 1956 ; K.S. BADER, Das mittelalterliche Dorf als Friedens- und
Rechtsbereich, Weimar : Böhlau, 1987 ; du même, Dorfgenossenschaft
und Dorfgemeinde, Köln/Graz : Böhlau, 1962.
8
P. BLICKLE, Gemeindereformation. Die Menschen des 16. Jahrhunderts auf
dem Weg zum Heil, München, 1984, et les autres travaux de P. Blickle.
9
A. ZANGGER, Grundherrschaft und Bauern. Eine wirtschafts- und sozialgeschichtliche
Untersuchung der Grundherrschaft der Prämonstratenserabtei Rüti
(ZH) im Spätmittelalter, Zürich : Chronos, 1991 ; M. OTHENIN-GIRARD,
Ländliche Lebensweise und Lebensformen im Spätmittelalter, Liestal
: Verlag des Kantons Basel-Landschaft, 1994. Outre leur provenance de Suisse,
ces deux travaux présentent une autre caractéristique commune
et qui les distingue de l'essentiel des travaux d'histoire agraire en langue
allemande : leur bibliographie véritablement internationale - certainement
liée à ce carrefour linguistique qu'est la Suisse.
10
F. IRSIGLER, "Köln extra muros, 14.-18. Jahrhundert", Siedlungsforschung
1 (1983), p. 137-149.
11
K. FRITZE, Bürger und Bauer zur Hansezeit. Studien zu den Stadt-Land-Beziehungen
an der südwestlichen Ostseeküste vom 13. bis 16. Jahrhundert,
Weimar : Böhlau, 1976.
12
R. SABLONIER, "Schriftlichkeit, Adelsbesitz und adliges Handeln im 13.
Jahrhundert", in : O.G. OEXLE, W. PARAVICINI (dir.), Nobilitas. Funktion
und Repräsentation des Adels in Alteuropa, Göttingen : Vandenhoeck
& Ruprecht (Veröff. d. Max-Planck-Instituts f. Gesch., 133), 1997,
p. 67-100.
13
On retrouve ici une hypothèse formulée à plusieurs
reprises par D. Barthélemy lorsqu'il attire l'attention sur les
donations à l'Église de biens en fait contestés, les
moines devant se débrouiller eux-mêmes pour garantir leurs
prérogatives - la contrepartie en valeurs sociales (prières,
monnaies) étant toutefois bel et bien accomplie.
14
H. KINDL, Die Kaufkraft des Geldes in Hildesheim und Goslar von 1150-1350,
untersucht an den Grundstückspreisen. Ein Beitrag zur sachenrechtlichen
(finanziellen) Geschichte des Lehenswesens im späten Mittelalter,
Berlin : Diss., 1954. C'est Ludolf Kuchenbuch qui m'a signalé et
procuré cet ouvrage multigraphié, ce dont je le remercie.
15
H.P. BAUM, Der Lehnhof der Bischöfe von Würzburg im Spätmittelalter,
Würzburg : ms. Habil., 1990, notamment p. 118-122.
16
Phénomène déjà observé en 1984 par Rolf
Sprandel dans son compte-rendu de l'édition l'un des registres de
fiefs wurtzbourgeois : R. SPRANDEL, "Der Würzburger Lehenhof 1345-1372",
Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte 47 (1984), p. 791-794.
17
C'est précisément sur un corpus dense et régulier
de terriers et censiers de l'hôpital du Saint-Esprit de Nuremberg
que porte le travail de J. Demade susmentionné.
18
H. STEENWEG, Göttingen um 1400. Sozialstruktur und Sozialtopographie
einer mittelalterlichen Stadt, Bielefeld : Verlag für Regionalgeschichte
(Veröff. d. Inst. f. Histor. Landesforsch. d. Uni. Göttingen,
33), 1994.
19
D. RIPPMANN, Bauern und Städter : Stadt-Land-Beziehungen im 15. Jahrhundert,
Basel/Frankfurt a. Main, 1990.
20
K.-F. KRIEGER, "Bürgerlicher Landbesitz im Spätmittelalter. Das
Beispiel der Reichstadt Nürnberg", in : H.K. SCHULZE (dir.), Städtisches
Um- und Hinterland in vorindustrieller Zeit, Köln : Böhlau (Städteforschung,
A 22), 1985, p. 77-98.
21
H. DANNENBAUER, Die Entstehung des Territoriums der Reichstadt Nürnberg,
Stuttgart, 1928.
22
La seule exception à ceci est représentée par le travail
en cours d'É. Champion, présenté dans le Bulletin
33 (juin 1997), p. 31-39.
23
W. STÖRMER, "Grundherrschaften des höheren und niederen Adels
im Main-Tauber-Raum", in : H. PATZE (dir.), Die Grundherrschaft im Spätmittelalter,
t. 2, Sigmaringen : Thorbecke, 1983, p. 25-45 ; J. MORSEL, La noblesse
contre le prince. L'espace social des Thüngen à la fin du Moyen
Âge (Franconie, ca. 1250-1525), Stuttgart : Thorbecke (Beihefte der
Francia, 49), sous presse.
24
Toutes les études régionales le confirment, du duché
de Clèves de D. SCHELER ("Rendite und Repräsentation. Der Adel
als Landstand und landesherrlicher Gläubiger in Jülich und Berg
im Spätmittelalter", Rheinische Vierteljahresblätter 58 (1994),
p. 121-132) à la Franconie de R. SPRANDEL ("Ländlicher Adel
und interregionaler Zahlungsverkehr : ein Würzburger Beispiel von
1354", in : K. BORCHARDT, E. BÜNZ (dir.), Forschungen zur bayerischen
und fränkischen Geschichte. Peter Herde zum 65. Geburtstag, Würzburg
: Schöningh, 1998, p. 221-226).
25
R. SPRANDEL, "Ländlicher Adel...", op. cit. ; H. ZMORA, State...,
op. cit. ; C. ULRICHS, Vom Lehnhof zur Reichsritterschaft. Strukturen des
fränkischen Niederadels am Übergang vom späten Mittelalter
zur frühen Neuzeit, Stuttgart : Steiner, 1997 (VSWG-Beihefte, 134)
; J. MORSEL, "À quoi sert le service de l'État ? Carrières,
gains, attentes et discours dans l'aristocratie franconienne à la
fin du Moyen Âge", in : Les serviteurs de l'État au Moyen
Âge. XXIXe congrès de la S.H.M.E.S. (Pau, 1998), Paris, Publications
de la Sorbonne, 1999 ; du même, La noblesse..., op. cit.
26
R. KIESSLING, "Bürgerlicher Besitz auf dem Lande", in : P. FRIED (dir.),
Bayerisch-Schwäbische Landesgeschichte an der Universität Augsburg,
Sigmaringen : Thorbecke, 1979, p. 121-140.
27
A. TIMM, Die Waldnutzung in Nordwestdeutschland im Spiegel der Weistümer,
Köln : Böhlau, 1960 ; sur les espaces pastoraux de Suisse, cf.
R. SABLONIER, "Innerschweizer Gesellschaft im 14. Jahrhundert. Sozialstruktur
und Wirtschaft", in : Historischer Verein der Fünf Orte (dir.), Innerschweiz
und frühe Eidgenossenschaft. Jubiläumsschift 700 Jahre Eidgenossenschaft,
t. 2, Olten : Walter-Verlag, 1990, p. 83-178, ainsi que diverses remarques
de P. MICHAUD-QUANTIN, Universitas. Expressions du mouvement communautaire
dans le Moyen Âge latin, Paris, 1970.
28
R. SPRANDEL, Das mittelalterliche Zahlungswesen nach hansisch-nordischen
Quellen des 13.-15. Jahrhunderts, Stuttgart, 1976. Cf. aussi G. LANDWEHR,
"Mobilisierung und Konsolidierung der Herrschaftsordnung im 14. Jahrhundert",
in : H. PATZE (dir.), Der deutsche Territorialstaat im 14. Jahrundert,
Sigmaringen : Thorbecke (Vorträge und Forschungen, 14), 1971, t. 2,
p. 484-505.
29
I.-M. PETERS, "Das mittelalterliche Zahlungssystem als Problème
der Landesgeschichte", Blätter für deutsche Landesgeschichte,
112 (1976), p. 139-183.
30
K.F. KRIEGER, "Bürgerlicher Landbesitz...", op. cit.
31
J. HOPFENZITZ, "Hubgericht-Hofgericht-Hubrecht. Eine Untersuchung zum mittelalterlichen
bäuerlichen Besitzrecht in Oberdeutschland", Zeitschrift für
Agrargeschichte und Agrarsoziologie 24 (1976), p. 8-53.
32
R. GÖRNER, Raubritter. Untersuchungen zur Lage des spätmittelalterlichen
Niederadels, besonders im südlichen Westfalen, Münster : Aschendorff
(Geschichtl. Arbeit. z. westf. Landesf., 18), 1987. La baisse tendancielle
du taux de la rente a, quant à elle, été observée
ailleurs qu'en Westphalie, par exemple en Franconie (H.P. BAUM, R. SPRANDEL,
"Die Erforschung von Lehensregistern in Verbindung mit der EDV. Ein sozialgeschichtliches
Projekt der Universität Würzburg", Jahrbuch für historische
Forschung 1980, p. 49-55) et dans les villes hanséatiques (H.P.
BAUM, "Annuities in Late Medieval Hanse Towns", Business History Review
59 (1985), p. 24-48).
33
J. DEMADE, Champ économique et pouvoir noble. Mouvements des prix
et revenus de la petite noblesse dans les pays d'Empire des XIVe-XVIe siècles,
Paris : ms. mémoire de maîtrise (dir. C. Gauvard, Paris I),
1997.
34
Cf. les remarques-clés de L. KUCHENBUCH, Th. SOKOLL, "Vom Brauch-Werk
zum Tauschwerk : Überlegungen zur Arbeit im vorindustriellen Europa",
in : H. KÖNIG, B. von GREIFF, H. SCHAUER (dir.), Sozialphilosophie
der industriellen Arbeit (= Leviathan, Sonderheft 11) 1990, p. 26-50.
35
Th. ZOTZ, "Zur Grundherrschaft der Grafen von Leiningen. Güterbesitz,
bäuerliche Dienste und Marktbeziehungen im 15. Jahrhundert", in :
H. PATZE (dir.), Die Grundherrschaft im späten Mittelalter, t. 2,
Sigmaringen : Thorbecke (Vorträge und Forschungen, 27), 1983, p. 177-228,
conseille déjà de négliger ces distinctions, que les
sources médiévales elles-mêmes considèrent parfois
explicitement comme secondaires.
36
Cf. toutefois l'analyse critique de P. KRIEDTE, "Spätmittelalterliche
Agrarkrise oder Krise des Feudalismus?", Geschichte und Gesellschaft 7
(1981), p. 42-68.
37
R. SPRANDEL, "Ländlicher Adel...", op. cit. ; J. MORSEL, La noblesse...,
op. cit.
38
J. MORSEL, La noblesse..., op. cit, et W. KOSSIN, Die Herrschaft Rheineck.
Wirtschaftliche Grundlagen einer Adelsfamilie im 15. Jahrhundert, Köln/Weimar/Wien
: Böhlau (Rheinisches Archiv, 134), 1995, font apparaître ce
phénomène de vente prioritaire de terres périphériques.
39
J. MORSEL, "Adel in Armut - Armut im Adel ? Beobachtungen zur Situation
des Adels im Spätmittelalter", in : O.G. OEXLE (dir.), Armut im Mittelalter,
Stuttgart : Thorbecke (Vorträge und Forschungen), à paraître.
40
J. DEMADE, Champ économique..., op. cit.
41
J. SCHNEIDER, La ville de Metz au XIIIe et XIVe s., Nancy, 1950.
42
N. BECKER, Das Land im unteren Niederrhein, Köln/Weimar/Wien : Böhlau,
1992.
43
D. RIPPMANN, Bauern und Städter..., op. cit.
44
E. ENNEN, "Ein geschichtliches Ortsverzeichnis des Rheinlandes", Rheinische
Vierteljahrsblätter 9 (1939), p. 255-275, Annexe "Veräußerungen
grundherrlichen Streubesitzes im 13. Jahrhundert", p. 270-275.
45
Hypothèse déjà formulée par P. PIRENNE, "Comment
les établissements religieux belges se procuraient-ils du vin au
haut Moyen Âge ?", Revue belge de philologie et d'histoire 2 (1923),
p. 643 sq.
46
Chr. REINICKE, Agrarkonjunktur und technisch-organisatorische Inovationen
auf dem Agrarsektor im Spiegel niederrheinischer Pachtverträge 1200-1600,
Köln/Weimar/Wien : Böhlau, 1989.
47
"Besitz...", op. cit.
48
Chr. REINICKE, Agrarkonjunktur..., op. cit.
49
R. KIESSLING, Die Stadt..., op. cit.
50
Ibidem.
51
Ibidem.
52
R. MANDROU, Les Fugger, propriétaires fonciers en Souabe, Paris
: PUF, 1969.
53
F. IRSIGLER, "Köln...", op. cit., N. BECKER, Das Land...
54
K.F. KRIEGER, "Bürgerlicher Landbesitz...", op. cit.
55
K. FRITZE, Bürger und Bauer..., op. cit.
56
R. KIESSLING, "Besitz...", op. cit.
57
N. MORARD, "Les premières enclosures dans le canton de Fribourg
à la fin du MÂ", Schweizerische Zeitschrift für Geschichte
21 (1971).
58
"Besitz...", op. cit.
59
F. IRSIGLER, "Köln...", op. cit. ; Chr. REINICKE, Agrarkonjunktur...,
op. cit.
60
D. RIPPMANN, Bauern und Städter, op. cit.
61
"Besitz...", op. cit.
62
R. KIESSLING, Die Stadt..., op. cit. ; D. RIPPMANN, Bauern und Städter...,
op. cit.
63
M. BALZER, "Spätmittelalterliche Wüstung und Stadtentstehung
im östlichen Westfalen", Siedlungsforschung 12 (1994), p. 69-85. |
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